Beaucoup de photographes rêvent quotidiennement de leur prochain objectif. Le moment est venu, vous avez un budget disponible et un espace libre dans votre besace ? Avant de vous lancer, prenez le temps de vous poser quelques questions. Votre objectif : trouver l’optique qu’il vous faut, afin de ne pas dépenser votre argent dans un matériel inadapté à vos besoins.

Quels seront vos sujets ?

C’est évidemment le nœud du problème. Le matériel de prise de vue est un outil, pas une fin en soi. Le but reste de photographier ou de filmer, pas de décorer le salon – sauf bien entendu pour les collectionneurs. Tout part donc du besoin, avéré ou supposé. Que voulez-vous photographier ? En quoi votre matériel actuel vous limite-t-il ?

Cette étape comporte deux pièges, sur lesquels nous trébuchons tous un jour ou l’autre. Le premier : s’en tenir à nos pratiques courantes, sans chercher à étendre notre domaine photographique. Vous êtes passionné de portrait, vous avez déjà un 85 mm f/1,8… Bien sûr, il est tentant de vous offrir le f/1,4 de vos rêves. Mais alors vous ne ferez rien de nouveau, juste la même chose en mieux. Peut-être vaudrait-il mieux sortir de votre domaine de prédilection pour éviter de sombrer dans une routine créative ?

Rutan Long-EZ
Photographier un meeting est amusant, mais il faut s’impliquer à long terme pour obtenir régulièrement des clichés acceptables.
Crédit photo : Franck Mée

Le second piège est l’inverse du premier : vouloir absolument découvrir un nouveau champ d’activité, dont vous ignorez tout. Vous n’avez jamais photographié un avion et les images d’Anthony Pecchi vous font rêver ? Prudence avant de craquer pour un 60-600 mm ! Passées les premières expériences, vous risquez de ne pas trouver dans ce domaine la passion à laquelle vous vous attendiez, et de voir votre objectif devenir un joli presse-papier…

Trouvez donc les bons sujets, ceux qui vous motiveront vraiment, mais vous pousseront aussi à apprendre et à explorer.

Quelle(s) focale(s) choisir ?

La focale est la caractéristique qui a le plus d’impact sur les possibilités d’un objectif. Une fois votre sujet (ou vos sujets) clairement défini, il faut donc choisir la ou les focales qui lui correspondent.

Pour commencer, devez-vous prendre un zoom ? Certains sujets s’accommodent bien de focales fixes. Par exemple, la grande majorité des portraits sont pris entre 2 et 4 m, entre le plan rapproché et le plan américain. La focale tourne alors souvent entre 70 et 130 mm. N’avoir qu’une focale (85 ou 105 mm par exemple) n’est alors guère gênant, et les avantages des focales fixes compensent largement cet inconvénient.

Portrait au Canon RF 100mm Macro
Une focale fixe de l’ordre de 100 mm est parfaite pour le portrait.
Crédit photo : Canon

À l’inverse, si votre but est de capturer des événements sportifs, vous devrez saisir le même sujet (coureur, voiture de course, cheval…) à des distances très différentes. Difficile de vous contenter d’un 300 mm au bord d’un stade. Certes, il sera parfait pour saisir l’essai au bout du terrain, mais il fera un gros plan sur une oreille lors de la mêlée juste devant vous ! Dans ce cas, un zoom sera bien plus pratique.

Quelques exemples de focales types

Une fois choisi entre zoom et focale fixe, étudiez les focales les plus adaptées. Voici quelques repères classiques :

Portrait avec un objectif 50 mm sur un boîtier APS-C
En APS-C (ici un Canon EOS 60D), c’est le 50 mm qui est idéal pour le portrait : il équivaut à 75 ou 80 mm, selon les appareils.
Crédit photo : Bianca Berndt via Unsplash

Notez que ces valeurs sont évidemment des références pour le plein format 24×36 mm. Si vous utilisez un appareil d’un autre format, il faut les diviser par son coefficient de conversion. Ce sera 1,5 ou 1,6 en APS-C, 2 en Micro 4/3…

Surtout, il existe autant d’exceptions que de règles. Peut-être développerez-vous un style à contre-courant, comme les animaux au grand-angle de David Yarrow et de Kyriakos Kaziras. Prenez donc ces indications comme des bases de départ pour découvrir un domaine et non comme des règles à suivre.

Objectif lumineux ou objectif nomade ?

Une fois connue votre focale ou votre plage de zoom, passons à la seconde caractéristique fondamentale d’une optique : l’ouverture. C’est un éternel dilemme. Les objectifs à grande ouverture sont évidemment plus souples : ils peuvent photographier ou filmer en basse lumière aussi bien qu’en plein jour. Ils permettent également de choisir entre un bokeh crémeux qui magnifie vos sujets et une profondeur de champ étendue qui maximise la netteté.

Comparaison des objectifs Canon RF 70-200mm
Malgré sa compacité record, le Canon RF 70-200 mm f/2,8 est 50 % plus lourd que la version limitée à f/4.

Mais ils sont inévitablement lourds. En prenant une optique moins lumineuse, vous la garderez plus volontiers dans votre besace « au cas où ». Le choix dépend donc à la fois du sujet et de l’utilisation. Pour le portrait, une grande ouverture est incontournable : f/1,8 est courant, f/1,4 est mieux…

Pour la photo animalière, un 200-500 mm f/2,8 fait évidemment rêver ; mais avec ses 16 kg, vous ne l’utiliserez que depuis la voiture ! Un randonneur qui veut pouvoir saisir les bouquetins qu’il croise sacrifiera sans hésiter luminosité et profondeur de champ sur l’autel du nomadisme. Il se contentera volontiers de f/6,3, voire au-delà

Quid de la distance de mise au point ?

La plupart du temps, cette caractéristique n’est guère importante. Mais si vous avez envie d’explorer les petits détails de votre environnement, la distance de mise au point devient essentielle ! En fait, c’est le rapport de reproduction qui vous permettra (ou non) d’agrandir des éléments minuscules. Mais pour une focale donnée, celui-ci est directement lié à la distance de mise au point.

Les vrais objectifs Macro ont un rapport de reproduction de 1:1. Autrement dit, ils photographient plein cadre un objet de 3 à 4 cm de long (sur un capteur 24×36 mm). Leur distance de travail varie en fonction de la focale. Au rapport 1:1, pour un 50 mm, la mise au point sera de l’ordre de 15 cm ; pour un 100 mm, elle sera d’environ 30 cm. Cette distance supérieure sera plus confortable, notamment avec les insectes.

Demoiselle en plan serré
Sans parler de véritable macro, le Sigma 50-500mm offre un rapport de reproduction entre 1:3 et 1:4 de 100 à 400 mm. Il permet ainsi de photographier les grands insectes presque plein cadre à environ 1 m.

Attention, de nombreux objectifs « macro » se contentent d’un rapport 1:2. C’est notamment le cas des modèles les plus compacts et de bien des « téléobjectifs macro ». Ils ne peuvent saisir plein cadre un objet de moins de 7 cm en plein format ou 4 cm en APS-C. Ce n’est pas forcément gênant, mais vérifiez les fiches techniques pour savoir à quoi vous attendre.

Quelle monture d’objectif, et quelle variante ?

Pour se fixer l’un sur l’autre, objectif et boîtier doivent évidemment posséder la même monture. Mais cela ne suffit pas : même avec une baïonnette identique, il existe des incompatibilités plus ou moins graves.

Les plus courantes sont liées au format : un objectif prévu pour un capteur APS-C (15×23 mm) ne fournit pas une image assez grande pour un appareil plein format (24×36 mm). Dans le pire des cas, le montage est impossible, comme avec les Canon EF-S sur les EOS à un chiffre. Plus souvent, l’objectif s’attache, mais l’appareil n’utilise que le centre du capteur. Vous ne profitez alors pas pleinement de celui-ci. Enfin, si vous photographiez sur l’ensemble du capteur, vous risquez d’avoir un vignetage spectaculaire ou un piqué catastrophique en périphérie.

Vignetage d'un objectif APS-C sur un plein format
Monter un objectif APS-C sur un plein format peut causer un fort vignetage, à moins de recadrer au format APS-C.
Crédit photo : Franck Mée

Les évolutions technologiques doivent également être prises en compte – surtout avec les montures de reflex, qui évoluent depuis des décennies. Par exemple, les Nikon d’entrée de gamme n’ont pas d’autofocus sur les objectifs âgés (AF et AF-D). Réciproquement, chez Pentax, il faut avoir un K-3 II, un K-S1 ou un appareil plus récent pour utiliser les dernières optiques, en monture KAF4.

La situation est plus simple avec les appareils hybrides : un objectif et un boîtier utilisant la même monture fonctionnent en principe ensemble. Seules les performances varient, ainsi que le cadrage s’ils sont prévus pour des formats différents.

Et enfin, quel est mon budget ?

Dans un monde parfait, vous pourriez vous offrir tous les objectifs de vos envies. Mais ce n’est évidemment pas le cas ! Pour acheter intelligemment, définissez précisément votre budget. C’est lui qui sera le principal facteur de compromis. Fan d’animaux sauvages, c’est probablement le prix qui tranchera entre les versions Sport et Contemporary du Sigma 150-600 mm ou leurs équivalents dans la marque de votre appareil. Portraitiste passionné, c’est le budget qui vous permettra d’opter pour un superbe 105 mm f/1,4 ou qui vous poussera vers les plus raisonnables 85 mm f/1,4 ou même 85 mm f/1,8

Objectif Sony 50mm F1.2 GM
Une ouverture pareille, ça fait rêver… Mais le prix du Sony FE 50mm F1.2 GM pourrait vous convaincre que f/1,4, voire f/1,8, suffisent !

Pour limiter les dilemmes, regardez aussi les occasions. Avant d’acheter un objectif à un particulier, vérifiez la fluidité des bagues, le fonctionnement de tous les éléments et la clarté des lentilles. N’hésitez pas à demander quelques minutes de test ! Vous pouvez également vous tourner vers notre boutique d’occasions : vous aurez alors la tranquillité d’esprit de savoir que nous avons testé le matériel pour vous.

Le choix d’un objectif, l’art du compromis

Vous l’avez compris : vous devrez faire plusieurs allers et retours entre ces questions. Pour compliquer les choses, notez que la liste est loin d’être exhaustive ! N’oubliez pas la prise en main, les fonctions disponibles, la protection tout-temps, qui sont autant de critères parfois importants.

Votre objectif idéal est donc le fruit d’un compromis. Focale(s), ouverture, mise au point, construction, niveau de gamme, tarif… Les paramètres sont trop nombreux pour que l’optique parfaite existe. À vous de trouver celle qui vous conviendra, qui vous permettra d’étendre votre pratique, et avec laquelle vous serez à l’aise.

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Auteur

Traducteur, journaliste, pilote privé. Passionné de photo et de cinéma, docteur en binge-watching, mais surtout fasciné par tout ce qui vole, du martinet au Boeing 747. Considère qu'un 200 mm, c'est un grand-angle.

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