Voilà c’est décidé, on se prive volontairement de la couleur ! Est-ce par simple nostalgie de l’époque argentique ? À moins que ce ne soit une réelle intention photographique. Photographie-t-on en noir et blanc aujourd’hui comme on photographiait hier, la pellicule en moins ? Une chose est sûre, si la théorie reste identique les outils changent fondamentalement. Cet article propose un savant mélange de conseils pratiques intemporels, sur fond de matériel de prise vue et de traitement numérique.

Photographie de la ville de Lille en noir et blanc par Frederic Wilocq
Photographie de la ville de Lille en noir et blanc par Frederic Wilocq

Pourquoi photographier en noir et blanc ?

La photo en noir et blanc est une forme de narration de la part du photographe qui la pratique. Certains estiment ressentir plus d’émotion dans ce style photographique. D’autres revendiquent une plus grande liberté. Une certitude : le noir est blanc se concentre avant tout sur la lumière, les ombres, les textures ou encore les formes.

Pratiquement chaque année, le célèbre concours de photo reportage “World Press récompense des images en noir et blanc très poignantes.

Mais qu’est-ce qu’une vraie photo en noir ET blanc ? Il ne faut pas confondre une image en noir et blanc et une image en niveaux de gris. L’image doit contenir des vrais blancs et des vrais noirs profonds tout en conservant du détail. Pas de blanc « cramé » ou de noir bouché !

Noir et blanc ou couleur : les fausses raisons !

On pense souvent à tort que le fait de convertir une image en noir et blanc permet de s’affranchir des imperfections de son cliché. Or, c’est bien souvent l’inverse. Une image B&W (comprendre Black&White) a son lot de contraintes. Et pas des moindres :

  • le noir et blanc accentue le mauvais éclairage
  • il doit se penser à la prise de vues (ombres, contrastes…)
  • le noir et blanc a besoin de contraste pour s’affirmer
  • un cliché noir et blanc a besoin d’un minimum de post-traitement

Le noir et blanc, une affaire de couleurs…

Je suis conscient que cette démarche est contre-intuitive mais vous ne devriez jamais prendre votre image directement en noir et blanc. Sachez que si vous effectuez vos prises de vues directement en noir et blanc, vous perdrez énormément d’informations dans vos fichiers. Des informations capitales qui auraient pu vous être sacrément utiles en post-traitement. Pour comprendre mes propos, il va falloir parler de luminance et de chrominance :

  • la luminance c’est l’intensité lumineuse de chaque couleur
  • la chrominance c’est l’emplacement de la couleur dans le spectre des couleurs

Pour faire simple, deux couleurs qui ont la même intensité lumineuse, auront tendance, en noir et blanc, à avoir un rendu identique. L’image ci-dessous illustre ces propos.

Illustration d'une conversion en noir et blanc
Illustration d'une conversion en noir et blanc

Si vous avez pris vos images en couleur (et en raw, ce que je vous conseille fortement !), vous aurez toute latitude, une fois votre image convertie en noir et blanc, de jouer sur la luminance de chaque couleur. L’outil qui permet de jouer du curseur indépendamment sur chaque couleur s’appelle le mélangeur de couches.

Pour finir de vous convaincre : une photographie prise directement en noir et blanc dispose de 256 niveaux de gris. Une photographie couleur convertie en noir et blanc vous proposera plus de 16 millions de niveaux (chaque couche rouge, verte et bleue possède 256 niveaux de couleurs, soit très exactement 16 777 216 couleurs différentes).

Le conseil de ce chapitre est donc simple : NE PHOTOGRAPHIEZ JAMAIS EN NOIR ET BLANC.

Photographie d'une femme sous l'eau en noir et blanc par Stefano Zocca
Photographie d'une femme sous l'eau en noir et blanc par Stefano Zocca

4 conseils pour préparer un beau cliché noir et blanc  

Une image NB (comprendre noir et blanc) se réfléchit à la prise de vue. Pour une meilleure adéquation à ce mode narratif, je vous conseille de :

  • choisir un bon sujet : privilégiez des sujets avec des textures, des formes marquées, des lignes ou encore des motifs
  • penser contraste : les ombres sont vos alliées, concentrez-vous sur les ruptures et les différences de luminosité pour apporter du caractère
  • essayer de photographier par temps orageux : les images NB réalisées dans ces conditions sont très particulières
  • déclencher au bon moment : les attitudes des personnes sont renforcées en NB
Fleur en noir et blanc par Carlos Quintero
Fleur en noir et blanc par Carlos Quintero

Le traitement d’une image en noir et blanc

La conversion en noir et blanc

D’une photo couleur, il faut passer à présent en noir et blanc. Cette étape s’appelle la conversion. Elle est possible dans les logiciels standards, que nous connaissons tous en tant que photographe : Lightroom, Photoshop, Gimp, Affinity…

Si vous devez oublier une méthode de conversion, ce serait la désaturation ? . En effet la saturation est à bannir car vous perdrez tout le caractère de votre image. Ce mode de traitement rend les images désespérément fades et plates.

Pour convertir plus subtilement une image en noir et blanc vous avez la possibilité très rapide de :

  • vous servir du curseur noir et blanc de Lightroom
  • passer en noir et blanc sur Photoshop ( image → réglage → noir et blanc)

Vous pourrez ensuite jouer sur chaque couleur indépendamment (saturation et luminance) dans le mélangeur de couches.

Illustration de l'outil mélangeur de couches sur Lightroom (gauche) et Photoshop (droite)
Illustration de l'outil mélangeur de couches sur Lightroom (gauche) et Photoshop (droite)

Pour les plus curieux et les plus aguerris d’entre vous, essayez de convertir une image en noir et blanc sur Photoshop en utilisant la technique  de la courbe de transfert en dégradé. Cette technique permet de modifier la position du noir, du blanc et des tons moyens. Cette méthode apporte plus de personnalisation qu’un simple curseur noir et blanc.

3 étapes pour un traitement facile et efficace

Si l’on doit résumer le traitement d’une photographie noir et blanc (après conversion ? ) : 

  • régler les contrastes (noir, blanc, ombres, hautes lumières)
  • régler les nuances de couleurs dans le mélangeur de couleurs
  • utiliser subtilement des retouches localisées sur votre image (pinceau, filtre gradué et radial)

Le dernier point de cette liste est de loin mon préféré. Agir localement sur son post-traitement apporte de la subtilité et de la finesse à son cliché. C’est aussi à partir de cette étape que l’on peut rater sa retouche. Enregistrez vos images à plusieurs stades de votre retouche et vous perdrez en frustration (vécu d’expérience ?). 

Plusieurs traitements noir et blanc complexes, effectués sous Photoshop ou autres, sont devenus célèbres comme « l’effet Dragan » sur les portraits ou le traitement d’Ansel Adams sur les paysages en noir et blanc.

Le grain de la la photo en noir et blanc

Certains voudront se rapprocher du rendu de nos images argentiques d’antan en ajoutant du grain sur l’image. Ne vous privez pas de cette intention. Testez cette option pour vérifier sa possible adéquation au sujet de votre cliché.

Portrait en noir et blanc par Nilay Sozbir
Portrait en noir et blanc par Nilay Sozbir

Astuce pour la photographie en noir et blanc

Je ne vais pas revenir sur le fait qu’une photo en noir et blanc doit être prise en couleur. Mais si vous voulez avoir une première idée de son rendu, pourquoi ne pas passer la visualisation de l’image de votre écran LCD en monochrome. De nombreux appareils possèdent cette option. Il est même parfois possible d’ajouter des filtres de couleur numériques (rouge, vert, bleu), semblables aux lentilles de couleur, que l’on plaçait devant l’objectif en argentique, pour renforcer une teinte ou un contraste. 

Cette option a l’avantage d’exercer votre œil à percevoir le monde en monochrome et de ce fait, vous vous assurez du contraste présent sur l’image.

L’impression de la photo noir et blanc

L’intérêt de ce chapitre n’est pas de vous reparler post-traitement logiciel mais bien impression. Il existe une technique d’impression réservée aux seules photos noir et blanc : la piézographie.

C’est un procédé exclusivement dédié au noir et blanc sur papier mat. La piézographie utilise uniquement des encres noires, composées de pigments de charbon. Son intérêt est de retrouver toutes les nuances de gris avec une grande densité dans les noirs. Elle peut être agrémentée de split toning (ajouter une teinte aux tons sombres et clairs de l’image) pour donner une identité visuelle propre.

Architecture en noir et blanc par Samuel Zeller
Architecture en noir et blanc par Samuel Zeller

Conclusion

Plusieurs grands maîtres de la photo ont contribué à populariser la photo noir et blanc dans différentes disciplines :

Que cela soit dans une époque actuelle ou plus ancienne, le post-traitement des photographies en noir et blanc a toujours existé. Intégrez-le comme un élément à part entière dans  la construction de votre image… noir et blanc numérique.   

Avatar de Patrick Goujon
Auteur

Photographe passionné spécialisé dans la macro et proxi photographie créative. Amoureux de la nature et aussi un peu geek sur le matériel photographique ?.

3 Commentaires

  1. Avatar de Patrick Goujon

    Bonjour Jean-Marc,
    je crois que la photo prise en noir et blanc, directement par le boitier, ressort impérativement en JPG. Il n’y a pas de fichiers RAW en noir et blanc, ils sont obligatoirement en couleur, du moins les informations contenues dans le fichier RAW le sont.
    Or, les fichiers JPG offrent beaucoup moins de latitudes en post-traitement.

    • Avatar de Patrick Goujon

      « Ne jamais photographier directement en noir & blanc »… Et les boitiers « Monochrom » alors? Perso je prends mes photos directement en noir &blanc avec un Nikon Z7 II réglé pour, et beaucoup moins de photos couleurs d’ailleurs. Et je suis bien content des résultats. Je lorgne d’ailleurs sur le Nikon ZF qui possède un bouton dédié et plusieurs profils pour ce faire. Un Leica Q2 Monochrom pourrait aussi faire mon bonheur.

  2. Avatar de Patrick Goujon

    Je ne comprends pas le fait de ne pas photographier en Noir et Blanc. Autant je comprends si on shoot en JPG, avec perte irréversible, autant si on réalise un cliché en RAW, que l’on soit en couleur ou en Noir et Blanc, le fichier résultant contiendra bien les mêmes données, le même niveau de détail, non ? (peut être que je me trompe, mais c’était l’idée que j’avais d’un RAW).
    Et dans ce cas là, en RAW et boitier réglé en Monochrome, on peut voir plus rapidement ce que donnerait la prise de vue.
    C’est ce que j’ai fait lors de ma dernière prise de vue en N&B, et j’ai bien pu voir le RAW en couleur.
    Suis-je dans l’erreur totale en ce qui concerne le RAW ? Ai-je perdu de l’information dans mon RAW, que je n’aurai pas perdu si j’étais resté en couleur ?

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