Si vous avez déjà pris l’avion, vous avez sans doute eu envie de faire des photos. Les paysages visibles jusqu’à l’horizon, le découpage des rochers sur la côte, la vue plongeante sur tel ou tel bâtiment… Nul besoin de s’appeler Arthus-Bertrand ni de dépenser trois mois de salaire en hélicoptère : pour le prix d’un beau cadeau d’anniversaire, vous pouvez vous essayer à la photo aérienne en avion léger ou en ULM !

Pourquoi pas un drone ?

Pour prendre de la hauteur, nombre de photographes penseront immédiatement à utiliser un drone. Cela peut être une excellente solution : ces appareils ont pris nombre de superbes clichés. Mais un multirotor équipé d’un système de prise de vue performant est un investissement conséquent, bien supérieur au prix d’une heure de vol en avion. En outre, même en simple location, apprivoiser un drone peut prendre du temps. Il est notamment délicat de synchroniser la prise de vue et la trajectoire de l’appareil. Enfin, les drones sont limités à 150 m du sol et au champ de vision de leur pilote (sauf dans un cadre professionnel).

Vue sud-ouest du Mont Aiguille enneigé
Prise à plus d’un kilomètre du sol, cette vue du Mont Aiguille ne pouvait légalement pas être faite par un drone. © Franck Mée

En avion léger ou en ULM, le plafond est généralement illimité, sauf près des grands aéroports. Vous pourrez couvrir une grande distance en quelques minutes. Et surtout, vous aurez un pilote : il connaît son avion et gère sa trajectoire. Ainsi, vous pourrez lui dire où passer et vous concentrer sur votre prise de vue. Et il s’occupera également des aspects légaux et de la sécurité du vol.

Trouver un avion

Plusieurs solutions existent pour voler en avion léger ou en ULM.

  • Le vol de découverte (ancien baptême de l’air). Comptez une vingtaine de minutes de vol dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour de l’aérodrome. Vous pouvez en faire dans presque tous les aéro-clubs : n’hésitez pas à visiter l’aérodrome ou la base ULM la plus proche. Le coût est généralement inférieur à 100 €.
Hollywood 2018 (F. Marsaly)
Incontournable pour tout visiteur de Los Angeles, le signe Hollywood mérite d’être vu à la bonne hauteur. Sur les divers aérodromes de la ville, plusieurs compagnies proposent des vols touristiques. © Frédéric Marsaly
  • Louer les services d’une entreprise. Ce sera plus cher, mais vous aurez un pilote professionnel. Il pourra éventuellement décoller ou atterrir de nuit pour profiter au mieux du soleil rasant, et seul votre porte-monnaie limitera durée et distance.
  • Enfin, si vous connaissez un pilote, rien n’interdit de lui demander. Le vol est là aussi illimité, mais la règle est celle du partage de frais : comme vous, le pilote paie sa part des coûts. Il refusera donc sans doute un trajet trop long, trop coûteux…

Dans tous les cas, dans la mesure du possible, cherchez un pilote qui soit lui-même initié à la photographie. Il comprendra mieux ce que vous souhaitez et saura plus rapidement vous dire si le cliché de vos rêves est réalisable.

Préparer son vol

Une bonne photo se prépare à l’avance. C’est encore plus vrai en vol !

Faites la liste des sujets que vous voudrez photographier le long de votre itinéraire : châteaux, montagnes, lieux emblématiques, maison de votre tante, mais aussi les endroits où le paysage mérite tout simplement de prendre un peu de hauteur. Étudiez en particulier l’orientation des lieux et de la lumière. Il existe des applications d’éphémérides afin de connaître la position du soleil à un instant donné : elles sont précieuses !

Anse de la Maleconche à marée basse
À marée basse, l’anse de la Maleconche, au nord-est d’Oléron, n’est plus qu’une mince pellicule d’eau qui laisse voir une prairie d’algues surnaturelle. © Franck Mée

Pensez également aux marées. Certains lieux sont très différents selon la hauteur des eaux ; par exemple, le Fort Boyard peut être un vaisseau de pierre flottant en pleine mer ou au contraire un château bâti sur une île.

Idéalement, vous établirez votre trajectoire pour passer devant votre sujet avec le soleil dans le dos. Ce n’est pas toujours possible : au sud du fort Boyard, une réserve ornithologique limite la position des aéronefs. Le château de Villette, pour sa part, est orienté au nord-ouest. Même en été, vous aurez au mieux un éclairage latéral. À l’inverse, la plupart des sites de la Côte d’Azur sont parfaitement éclairés dans la journée, et le soleil du soir sur la côte Atlantique peut vous offrir de superbes clichés.

Chateau de Villette (vu dans les chevaliers du ciel) (F. Marsaly)
Pour profiter au mieux de la perspective qui le traverse, il vaut mieux survoler le château de Villette que le visiter… © Frédéric Marsaly

Cas pratique : le viaduc de Millau

Lors d’un vol vers le sud-est, nous avions calculé que nous passerions à proximité de Millau aux environs de 11 h. Divers sites et applications permettent de calculer la position du soleil : à ce moment-là, il devait être au sud-est, environ 25° au-dessus de l’horizon.

Position du soleil et vol réalisé
À gauche, le trait jaune indique l’orientation du soleil à l’heure prévue (capture Sun Position Map). À droite, la trace GPS du vol affichée dans Google Earth ; le point rouge indique la position lors du déclenchement, d’après les données EXIF.

À cette heure, le meilleur endroit pour photographier le viaduc est donc à la limite du Larzac, du côté de la ville. Je suis assis à droite : la trajectoire idéale va du nord-est vers le sud-ouest, en passant juste au-dessus de la falaise. Comme notre avion a une aile basse, nous l’inclinerons afin de dégager la vue. Nous arriverons donc par le nord, passerons entre Millau et le viaduc, et ferons un large virage à droite. Cela nous amènera à survoler l’autoroute ; nous devrons donc rester au moins 300 m au-dessus du sol.

Viaduc de Millau
La photo correspondante : le viaduc de Millau est bien éclairé. Malgré la verrière, le piqué est tel qu’il y a du moiré sur certains haubans ! © Franck Mée

Le matériel pour la photo aérienne

Étant loin du sol, nous pouvons être tentés de prendre un gros téléobjectif. Cependant, ce n’est souvent pas l’idéal. D’une part, sa longueur peut gêner dans l’espace clos d’un cockpit. D’autre part, il est difficile de cadrer parfaitement lorsqu’on photographie depuis un objet fonçant à 200 km/h ! Or, il est plus simple de recadrer un cliché un peu large que d’inventer la partie manquante d’une vue trop serrée… Enfin, la photographie aéronautique s’apparente en fait souvent à la photo d’architecture ou de paysages.

Un transstandard est donc généralement plus adapté. Consultez les données EXIF des photos de cet article : vous verrez qu’elles sont généralement prises entre 28 et 130 mm (en équivalent 24 × 36 mm).

Fort Boyard vu du ciel
Peu visible depuis le sol, le Fort Boyard prend une autre dimension avec la hauteur. Avec 113 mm, cette photo utilise la plus longue focale de cette page ! © Franck Mée

Un compact de qualité peut être parfait : léger, il vous encombrera peu et ne gênera pas votre pilote. De plus, en visant à bout de bras, vous pourrez plus facilement le placer de manière à éviter les reflets sur la verrière. Méfiance cependant : certains modèles, performants en macro, font parfois le point sur la verrière plutôt que sur le paysage !

Dans tous les cas, un point de sécurité essentiel : gardez la bandoulière ou la dragonne attachée à tout moment. Si l’appareil vous échappe, il peut en effet bloquer les commandes de l’avion.

Et l’avion ?

Il est peu probable que vous ayez le choix de l’avion. Si toutefois c’était le cas, la position de l’aile et la qualité de la verrière peuvent vous intéresser.

Aile haute ou aile basse ?
Pour un photographe, une aile haute (à gauche, un Cessna 150) ou une aile basse (à droite, un APM 30) ont chacune des avantages et des inconvénients. © Franck Mée

Un avion à aile haute permet de photographier à la verticale, avec une très faible inclinaison. En revanche, l’aile bouche le haut des clichés quand vous visez près de l’horizon. Le cockpit est plus sombre, ce qui limite les reflets sur les photos ; mais les surfaces vitrées limitées réduisent le champ de vision. Un avion à aile basse vous permet de voir plus large. Mais, en ligne droite, son aile masque le sol : il faut donc faire des virages prononcés pour photographier sous l’horizon.

Vol de nuit sur Angoulême
Le vol de nuit donne une autre dimension aux paysages urbains. Sachez toutefois que peu de pilotes privés le pratiquent. © Franck Mée

Notez que la présence de l’aile n’est pas toujours indésirable. Par exemple, les reflets de la ville sont un élément essentiel du cliché ci-dessus.

La verrière est plus difficile à évaluer. Vérifiez sa neutralité : souvent, elle ajoute une légère dominante colorée. La transparence est également importante afin de conserver un maximum de lumière. Mais le principal problème est généralement la perte de piqué. En effet, les plexiglas, en particulier lorsqu’ils sont bombés, entraînent souvent une distorsion ressemblant à une forte diffraction. Dans la mesure du possible, photographiez à travers une zone plane, perpendiculairement à la vitre : c’est là que vous obtiendrez la meilleure qualité d’image.

Le traitement d’image en photo aérienne

Voilà, vous avez volé, vous avez photographié, il ne reste plus qu’à découvrir vos clichés. Et là, catastrophe : la balance des blancs est aléatoire, tout ce qui est un peu lointain est flou, le contraste est faiblard…

C’est normal. Les constructeurs d’appareils photo ne semblent pas prendre en compte les particularités de la prise de vue aérienne.

En cause, bien souvent : l’importante différence de distance entre un bord et l’autre de l’image. Le bâtiment ou le pont que vous visez est à quelques centaines de mètres. Mais en haut de votre cliché, l’horizon est peut-être à plusieurs centaines de kilomètres ! La brume atmosphérique y est donc beaucoup plus présente et les teintes sont plus bleutées.

Paysage apaisé de la mer Baltique
La brume et le faible contraste (6 EV au total !) ne sont pas toujours un problème : sur cette vue de la mer Baltique, ils apportent une sérénité presque onirique. © Franck Mée

Pour la balance des blancs, il n’y a pas de miracle : elle varie beaucoup d’une photo à l’autre, selon la présence du ciel. Si le mode automatique de votre appareil ou de votre logiciel ne convient pas, vous devrez probablement corriger image par image. Faites le réglage sur le sujet principal. Pour le fond, utilisez un outil de gestion des couleurs pour apporter la correction voulue, en profitant des fonctions de correction locale ou de masquage de votre logiciel. Attention à ne pas exagérer : si vous neutralisez complètement la dominante bleutée à l’horizon, le résultat ne sera pas naturel.

Correction des couleurs à l'horizon
L’outil Correction des couleurs de Darktable, réglé pour réchauffer les tons sombres afin de limiter la dominante bleue à l’horizon sans altérer le ciel. Un masque dégradé conserve les couleurs du premier plan.

Pour le piqué et le contraste, commencez par la fonction « Suppression de la brume » (Darktable) ou « Correction du voile » (Lightroom). Les paramètres d’exposition, tons foncés et tons clairs permettent de gérer le contraste général en finesse. Une touche d’accentuation ou de contraste local pourra donner plus de texture aux détails lointains, mais risque de manquer de naturel pour les plus proches. Là encore, un masque dégradé appliqué à ce paramètre peut être fort utile.

Prêts pour un tour en avion ?

Un petit tour d’avion ou d’ULM permet d’obtenir des images originales ; et, contrairement aux idées reçues, le coût n’est pas prohibitif. Que vous fassiez appel à un pilote privé ou professionnel, assurez-vous qu’il ait une expérience en photographie pour comprendre vos objectifs. Préparez ensemble votre vol, en fonction de l’itinéraire, de la météo et de l’éclairage.

En vol avec la Bulldog Team
Des pilotes expérimentés et entraînés au vol en patrouille (ici, avec la Bulldog Team) sont indispensables pour pouvoir envisager la photo « air-to-air ». © Franck Mée

Et s’il vous vient l’idée de faire des photos d’autres avions en vol, attention ! La prise de vue « air-to-air » est un exercice à part entière, pour les photographes comme pour les pilotes. Elle nécessite de prévoir des procédures de sécurité bien plus complexes, qui ne s’improvisent pas. Ne la pratiquez qu’avec des pilotes entraînés spécifiquement au vol en patrouille ! Et en général, ne vous approchez jamais d’un autre appareil sans avoir préparé avec lui tous les scénarios possibles.

Contentez-vous donc des paysages dans un premier temps. Il y a déjà beaucoup de clichés à prendre. Faites-vous plaisir — et prenez de belles photos !

Avatar de Franck Mée
Auteur

Traducteur, journaliste, pilote privé. Passionné de photo et de cinéma, docteur en binge-watching, mais surtout fasciné par tout ce qui vole, du martinet au Boeing 747. Considère qu'un 200 mm, c'est un grand-angle.

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