La stabilisation optique n’en finit pas de revenir. Avec la généralisation des capteurs stabilisés, certains ont prédit sa disparition ; mais les IS, VR, OS, VC et consorts sont toujours présents sur les objectifs. Et cela ne devrait pas s’arrêter, les constructeurs misant désormais sur l’association des deux technologies…
Aux origines de la stabilisation d’image
Longtemps, la photographie exigeait un robuste trépied. Impossible d’y déroger : les temps de pose se comptaient en secondes ou en minutes, quel que soit l’éclairage. Puis, avec l’arrivée d’émulsions plus sensibles, photographier à main levée est devenu envisageable. Dès lors, un problème s’est posé : les petits mouvements du photographe pouvaient flouter l’image, en particulier une fois amplifiés par une longue focale. Pendant des décennies, les chasseurs d’images se sont partagé les « trucs » permettant de réduire les « bougés » : coller les coudes au corps, écarter légèrement les pieds, bien appuyer l’oculaire sur l’arcade sourcilière… Et, surtout, choisir une obturation rapide, au moins l’inverse de la focale.
Puis, en 1995, Canon a lancé le EF 75-300 mm IS USM, avec sa plaque « image stabilizer » argentée. Dans cet objectif, un groupe optique se déplaçait en fonction des mouvements, afin de projeter l’image toujours exactement au même endroit sur la pellicule. Cela permettait de doubler le temps de pose avant que les tremblements involontaires floutent le cliché. La concurrence, menée par Nikon, a rapidement suivi et les logos tels qu’IS (Image Stabilizer), VR (Vibration Reduction), OSS (Optical SteadyShot), OS (Optical Stabilization) ou encore VC (Vibration Compensation) se sont répandus sur les optiques de Canon, Nikon, Sony, Sigma ou Tamron par exemple. Plusieurs générations se sont succédé, avec des performances toujours supérieures.
La donne changea en 2003, avec l’arrivée du système Anti-Shake sur le bridge Minolta Dimage A1. Plutôt que de déplacer un groupe optique, c’était le capteur qui était mobile et « suivait » l’image projetée par l’objectif. Le système a rapidement été adapté aux reflex numériques, puis a lui aussi été imité, notamment par Pentax et Olympus. Le match était lancé…
Stabilisation optique ou mécanique ?
Depuis lors, les partisans des deux systèmes poussent chacun leurs arguments. La stabilisation optique permet d’adapter le stabilisateur à chaque objectif ; elle est donc réputée plus efficace. Elle stabilise aussi la visée reflex, ce qui permet de cadrer plus facilement les sujets avec les téléobjectifs.
La stabilisation mécanique (par le capteur) est moins coûteuse, un mécanisme unique étant partagé par tout l’équipement. Elle ne prend pas de place dans l’objectif, ce qui favorise les optiques ultra-compactes. En outre, elle peut corriger les mouvements de rotation autour de l’axe optique (le roulis). Enfin, elle permet d’ajouter des fonctions : Pentax l’utilise ainsi pour augmenter la résolution (fonction Pixel Shift, reprise chez les Micro 4/3 et Sony notamment), pour réduire le moiré (Simulateur AA) et même pour suivre des étoiles en pose longue (Astro-Tracer).
Déplacement du capteur lors d’une prise de vue en mode Astro-Tracer.
Avec l’arrivée des appareils hybrides, la situation a légèrement évolué. Dans un premier temps, les constructeurs (Panasonic, Fujifilm et Sony notamment) ont misé sur la compacité des boîtiers. La stabilisation mécanique, avec l’encombrant support mobile du capteur, était difficilement envisageable. Ils ont donc opté pour une stabilisation optique – avec les badges OIS (Optical Image Stabilization) et OSS (Optical Steady Shot).
Mais la popularité des objectifs « pancake » sur les hybrides a obligé les constructeurs à revoir leur approche. Suivant le très apprécié Olympus Pen E-P1, tous ont développé une stabilisation mécanique, quitte à sacrifier le volume et le poids des boîtiers sur l’autel de la polyvalence. Dernier en date, Canon a enfin intégré un capteur mobile sur ses EOS R5 et R6.
Le retour du stabilisateur optique
La stabilisation mécanique paraît désormais incontournable. Les différents systèmes intégrés aux appareils photo assurent d’excellentes performances dans les conditions courantes. Désormais abordables, ils répondent aux besoins des utilisateurs même sur des boîtiers d’entrée de gamme. Néanmoins, il reste des cas où ils demeurent moins efficaces que leurs cousins optiques.
C’est particulièrement le cas avec les téléobjectifs. Plus la focale est longue, plus les petits mouvements du photographe sont amplifiés, et plus la correction à apporter est importante. Or, un stabilisateur mécanique est limité : le capteur ne peut pas se déplacer de plus d’un ou deux millimètres. Un groupe optique placé près du centre de l’objectif peut, lui, décaler l’image presque à volonté.
Prenons le cas de Sony. Les premiers NEX et leurs successeurs Alpha misaient sur la stabilisation des optiques. Puis, la marque a adapté aux hybrides la stabilisation mécanique de ses reflex. C’était d’ailleurs la principale nouveauté de la deuxième génération d’Alpha 7. Sony a alors sorti des transstandards plus compacts et moins chers, faisant l’impasse sur la stabilisation optique, comme le FE 28-60 mm. Mais les téléobjectifs, eux, en restent équipés, y compris des modèles abordables comme le 70-300 mm G OSS.
L’union fait la force
Depuis quelques années, les adeptes des longues focales montent donc souvent un objectif stabilisé sur un appareil stabilisé. Longtemps, les deux mécanismes se sont perturbés mutuellement, et il était conseillé d’en désactiver un. Mais en 2015, Panasonic a présenté le GX8, le premier appareil « Dual IS ». Les stabilisations optique et mécanique travaillaient de concert afin de combiner les avantages des deux systèmes.
Ici encore, la concurrence a rapidement suivi. À l’heure actuelle, la quasi-totalité des systèmes sont capables de combiner un objectif et un boîtier stabilisés. Typiquement, aux longues focales, la stabilisation optique est utilisée pour les mouvements de lacet et de tangage, sur lesquels un très faible décalage optique permet de corriger d’importants tremblements. La stabilisation mécanique vient, elle, corriger les rotations en roulis, qui sont indépendantes de la focale et impossibles à contrer optiquement.
Il est alors possible d’obtenir une efficacité optimale dans toutes les situations. Souvenez-vous de la règle « la vitesse doit être plus rapide que l’inverse de la focale ». Avec un 100 mm, il fallait donc photographier au minimum au 1/100 s pour avoir de bonnes chances d’obtenir un cliché net. Aujourd’hui, il n’est pas rare de faire des poses d’une demi-seconde, voire plus, avec la même focale !
Pensez aux photos de traînées lumineuses dans la circulation urbaine. Traditionnellement, un trépied était absolument indispensable. Aujourd’hui, vous pouvez vous y essayer à main levée !
Bien utiliser la stabilisation de son appareil
Reste à savoir utiliser de manière optimale les réglages de son ou ses stabilisateurs. La bonne nouvelle, c’est que les constructeurs ont énormément simplifié les choses. Il n’est plus utile (c’est même souvent impossible) de désactiver seulement la stabilisation du boîtier ou de l’objectif. Beaucoup détectent automatiquement l’immobilité de l’appareil sur son trépied ou sa rotation lors d’un filé. Pour autant, consulter le manuel reste utile !
Si vous montez un objectif stabilisé sur un appareil stabilisé, commencez par vérifier qu’ils savent travailler ensemble. Souvent, lorsque vous associez un boîtier et une optique de marques différentes, ce n’est pas le cas. Désactivez alors une des deux stabilisations. Si vous avez le choix, avec un téléobjectif, nous vous conseillons de conserver la stabilisation optique ; avec un grand-angle, préférez la stabilisation mécanique.
Ensuite, vérifiez si le système utilisé détecte les filés. Si vous faites de la photo de sports, n’hésitez pas à forcer le mode « filé » pour éviter que la stabilisation, en contrant la rotation de l’appareil, ne floute le sujet ! Chez la plupart des fabricants, il s’agit de la stabilisation « mode 2 », à activer par un sélecteur sur l’objectif ou dans les menus de l’appareil. Mais vérifiez : certains ont proposé jusqu’à quatre modes différents…
Enfin, prenez le temps d’étudier les fonctions dérivées, comme le « multishot » ou « pixel shift ». Si elles ne sont généralement pas indispensables, certaines peuvent être extrêmement utiles dans des cas précis. Pour un adepte de la photographie astronomique, par exemple, l’Astro-Tracer peut permettre de faire non pas soixante photos de dix secondes, mais dix photos d’une minute. Lorsque vous les fusionnerez dans Siril, votre ordinateur vous remerciera !
Des systèmes complémentaires
Qu’elle soit optique ou mécanique, la stabilisation s’avère donc incontournable. Un capteur stabilisé fait partie des prérequis pour un nombre croissant de photographes. Néanmoins, un mécanisme dans l’objectif reste extrêmement utile pour conserver un système performant en toutes circonstances. En somme, longtemps présentés comme concurrents, les deux principes de stabilisation sont en fait complémentaires. Ne pensez donc pas que le logo OIS, VR, VC ou autre de votre téléobjectif soit inutile : il n’en est rien !
1 Commentaire
Personnellement j’ai la fonction VR sur mon 70-200 mais je m’en sers rarement car je trouve que cela ne fait pas le cadrage exact que je souhaitais
Philippe Thery
https://www.philippe-thery-photographe.com/