Quelle vitesse choisir pour une netteté parfaite ou un flou magnifique ?
Focale, bokeh, profondeur de champ, bokeh, flou, bokeh… Oui c’est très beau tout ça, mais parfois on dirait que les photographes négligent cet autre paramètre qui produit une netteté et des flous encore plus spectaculaires : la vitesse d’obturation. La capacité d’étirer le temps pour que les formes se confondent l’une dans l’autre, ou bien le trancher afin d’y cristalliser tous les détails allait définir l’esthétique de mon travail.
Il faut une expérience très variée afin de repérer la bonne vitesse pour produire un effet précis. Entre le cadrage, la proximité au sujet et la direction du mouvement, plusieurs facteurs importants changent la donne. Les résolutions toujours croissantes ne font qu’augmenter l’exigence sur la précision des paramètres, notamment en matière de figé.
Je vais partager ici avec vous quelques repères clefs qui vous permettront de mieux cibler votre pratique autour des sujets en mouvements.
Figer parfaitement… ou flouter joliment
Je ne cesse de tanner mes élèves avec ces directives ! Si figer parfaitement est dans l’absolu, facile à définir, flouter joliment est sujet à interprétation. Cependant, pour qu’un flou soit spectaculaire, il doit être mis en valeur par quelque chose de net. Les extrêmes ne sont intéressants que lorsqu’ils contrastent avec leur contraire. Un mouvement flou doit alors être ancré autour de repères nets.
Les contraintes techniques autour des deux effets sont bien différentes. Le net sollicite plus souvent les paramètres de l’appareil photo, alors que le flou dépend de la dextérité et la précision du geste du photographe.
Mode Priorité vitesse (S / Tv) ou mode Manuel ?
Cette question se pose surtout depuis que le mode ISO automatique existe. Lorsque les conditions de lumière sont stables et uniformes, je préfère photographier en mode manuel car il bloque l’exposition à celle que j’ai choisie. Tout mode d’exposition automatique ou semi-automatique peut faire varier l’exposition suite à un mauvais jugement de l’appareil.
Mais si les conditions de lumière sont changeantes, mieux vaut choisir un mode adaptatif. Je préfère alors travailler en mode Manuel avec les ISO en automatique car je peux ainsi bloquer la valeur de ma profondeur de champ, en plus de celle du mouvement.
Quelques règles de base
Le 1/60s est un bon repère en terme de vitesse, car il est à la frontière du net et du flou. Plus lent, vous commencez à produire des flous artistiques. Plus rapide, vous commencez à figer. C’est aussi une des dernières vitesses qui stabilise le tremblement des mains qui tiennent l’appareil photo, mais encore, cela dépend de la focale utilisée. De manière générale, la prise en main est stabilisée à la vitesse qui correspond à 1 sur la valeur de la focale. C’est-à-dire qu’on obture à minimum à 1/100s pour une focale de 100 mm, à 1/400s pour une focale de 400 mm.
Plus lent que 1/60s, des sujets relativement statiques pourraient paraître flous. Étant entre deux, c’est une vitesse qui a peu de valeur artistique en matière de mouvement. Pour des sujets humains, elle ne produit rien de très transcendant dans un sens ou dans l’autre. Il faudra s’en éloigner pour rendre le mouvement plus artistique dans votre image.
La vitesse est proportionnelle à la proximité du sujet, et donc à son cadrage. S’approcher d’un mouvement amplifie l’impression de sa vitesse, s’en éloigner la réduit… comme l’avion qui vole dans le ciel. Un cadrage deux fois plus serré nécessitera une vitesse deux fois plus rapide pour figer le même geste, par exemple.
La vitesse et l’ISO sont proportionnels et se calculent bien l’un par rapport à l’autre. Par exemple, une photo à 1/100s et 100 ISO aura exactement la même exposition que si elle avait été prise à 1/500s et 500 ISO. Et de manière générale, plus rapide sera la vitesse, plus élevés seront les ISO (ou plus grande sera l’ouverture).
Cristalliser le mouvement avec une vitesse rapide : 1/500s et plus
Les vitesses d’obturation rapides, que certains appelles les « instantanés » figeront divers mouvements à partir du 1/500s. Toutefois, ce paramètre a ses limites, car les temps de pose rapides laissent passer peu de lumière à travers l’obturateur. En plein jour à 100 ISO, on peut envisager aller jusqu’au 1/2000s de seconde avec un objectif de base ouvrant à f/3.5-5.6. Pour aller plus vite, il faudra une focale ouvrant à f/2.8 et plus, à moins de vouloir tirer sur la sensibilité ISO, mais cela risque de dégrader la précision des détails que vous souhaitez si bien figer.
Qui bouge le plus vite ?
Les animaux volants
Insectes et colibris échappent aux vitesses les plus rapides des obturateurs mécaniques. Le 1/8000s ne suffit pas pour parfaitement figer les ailes. Ces sujets sont souvent photographiés au flash déporté, car leur bref éclair fige mieux leurs ailes tout en décollant le sujet de l’arrière plan. Pour un oiseau comme un pigeon, le 1/1000s peut suffire, par exemple.
L’eau
Les éléments sont également difficiles à figer. Les amateurs de fontaines et cascades se verront rapidement bridés si le soleil ne brille pas de toute sa lumière. Augmenter les ISO en conséquence n’est pas une option lorsqu’on veut révéler les détails car le bruit numérique apparaît d’autant plus. Pour bien fixer les détails d’une fontaine en gros plan, 1/4000s est indispensable, le 1/8000 encore mieux ! Pour lisser l’eau coulant d’une cascade, il faut viser le 1/8s au plus rapide. 2-3 secondes d’obturation seront préférables (filtre neutre de rigueur pour éviter la surexposition… et trépied).
Les véhicules
1/1000s est le minimum requis pour bien figer un véhicule roulant en ville. Ceci dit, il est plus intéressant de choisir une vitesse qui révélera la révolution des roues pour mieux dynamiser le sujet. Celles-ci commenceront à « bouger » vers le 1/800s.
Les coureurs
Entre le 1/500s et le 1/1000s pour les plus véloces, surtout pour bien fixer les extrémités de l’athlète.
Les marcheurs
1/125s les fige bien, mais optez pour le 1/250s si vous avez assez de lumière pour être sûr de parfaitement arrêter les pieds aussi.
Et pour faire des flous artistiques ?
Il y a des flous fantômes, et des flous de filé. Les premiers laissent passer le sujet devant un appareil photo statique. Les deuxièmes suivent le sujet en mouvement pour flouter l’arrière-plan.
Flous fantômes
De plein pied, à partir du 1/15s les sujets qui marchent s’estompent.
A 1/8s, ils peuvent perdre des membres…
Au 1/4s, ils commencent à s’étirer…
A 1/2s, ils commencent à disparaître.
Doublez ces repères si le sujet coure (jogging, pas sprint !). Veillez surtout à ne PAS suivre le sujet en mouvement. Il faut que l’environnement soit parfaitement net. L’idéal est de rester sur un trépied.
Flous de filé
Cet effet spectaculaire dépend d’un suivi parfait du sujet avec son appareil photo. La mise au point continue (AF-C / Ai Servo) est de rigueur, ainsi qu’un point AF qui ne bouge pas ! Ce dernier sert à fixer le sujet dans le cadre, chose qu’il faut faire avec beaucoup de précision. C’est en figeant ce qui bouge dans notre cadre (en le suivant) qu’on donnera l’impression que l’arrière-plan « filera ». Donc une sélection manuelle du collimateur ou ce que Nikon appelle Point sélectif dans la Zone AF est le réglage à privilégier (pas de suivi 3D, ni de Verrouillage sur le sujet).
L’essentiel est de figer le visage et le torse du sujet pour laisser les membres s’agiter.
Pour des sprinteurs, au 1/50s on commence à bien flouter l’arrière plan. Ensuite, plus lente sera la vitesse, plus long sera le filé et plus dynamiques seront les membres. La limite de cet exercice est atteinte vers le 1/15. S’il devient presque impossible de figer les visages en bas du 1/15s, parfois la turbulence générale de l’image produit des effets inattendus, même si parfois complètement aléatoires …
Pour des joggers, je commencerais à partir du 1/30s et moins.
Les véhicules sont aussi intéressants à photographier de cette manière, notamment ceux à deux roues. Au 1/30s pour une moto roulant à 40km/h le résultat est déjà bien intéressant. Vous remarquerez peut-être plus de réussites avec les véhicules, car contrairement aux coureurs, ils ne bondissent pas. Leur trajectoire est stable, même s’ils vont plus vite.
Un peu de flou rehaussera le net
Mis à part les photos d’éléments (sable, pluie, cascade), je ne cherche pas forcément à toujours figer le sujet en entier. Comme les hélices d’un hélicoptère ou les roues d’un véhicule, il est intéressant d’en laisser une partie légèrement floue, notamment ses extrémités. Ça permet de dynamiser l’image et de faire «vibrer» le sujet pour mieux ressentir son mouvement.
Soyez patients !
Les flous de filé font partie de ces effets difficiles à accomplir. Ils nécessitent beaucoup de pratique pour maîtriser l’effet parfait. Pour les sujets humains, soyez satisfaits lorsque le visage paraît bien net. Surtout, activez la rafale en continu pour vous donner un meilleur taux de réussite par séance de prise de vue. La majorité de mes élèves réussissent cet exercice au moins une fois après une heure de pratique.