Alors que le format de fichier RAW est depuis longtemps utilisé dans le monde de la photographie, il a été clairement réservé aux productions haut de gamme dans le monde de la vidéo et du film. Mais depuis quelques années, avec l’arrivée des grands capteurs dans les caméras et avec les avancées logiciel/matériel, le format RAW s’affirme au sein des productions et des postproductions. Dans cet article, nous allons découvrir quels sont les bénéfices apportés par le RAW dans vos productions vidéos et si le format RAW est le format indispensable pour toutes vos productions.

Qu’est-ce que le RAW ?

Capteur photosensible.
Image : atdigit / Shutterstock.

La traduction la plus simple pour RAW est BRUT. C’est-à-dire qu’un fichier vidéo RAW intègre toutes les données brutes du capteur de votre caméra. Cela comprend toute la dynamique et la colorimétrie de votre image. Mais aussi, toutes les métadonnées de votre caméra et dans certains cas, de votre objectif.

Ainsi, il est possible de modifier un grand nombre de paramètres en postproduction par exemple, la balance des blancs, les ISO, les espaces de colorimétrie et de bénéficier de toutes les informations dans les hautes et basses lumières pour l’étalonnage. Pour bien comprendre les avantages et les inconvénients liés au format RAW, il faut comprendre comment fonctionne un capteur et comment se crée une image.

Du capteur à l’image.

Un capteur est composé de millions de photosites qui réagissent à la lumière. Devant ces photosites, on dispose 3 filtres de couleur : rouge/vert/bleu. Pour que chaque photosite réagisse aux différentes couleurs, on définit un modèle/schéma afin que les couleurs ne se chevauchent pas. Le modèle le plus utilisé se nomme le modèle de Bayer.

Matrice de Bayer.
Modèle de débayerisation.

Ce dernier attribue quatre photosites (un photosite bleu, un photosite rouge et deux photosites verts) pour un pixel. Une méthode permettra de définir la couleur du pixel en fonction de l’intensité de la lumière sur chacun des photosites. Cette méthode, qui est un algorithme, a pour nom la débayerisation (demosaic en Anglais).

En plus de définir la couleur pour chacun des pixels, la débayerisation permet aussi d’améliorer le contour des objets, la réduction du bruit vidéo, la balance des blancs et le “Tone-mapping”.

Lorsque vous enregistrez vos vidéos dans un format H264, MOV, MTS, ces 4 opérations sont réalisées en interne dans la caméra avant d’être compressées puis enregistrées sur votre carte mémoire. Mais si vous travaillez en RAW, toutes ces informations seront conservées sous forme binaire pour pouvoir être ensuite décodées et modifiées en postproduction.

Enregistrement caméra non RAW.
Processus d’enregistrement d’image numérique non RAW.

Ce qui est intéressant, c’est que cette méthode évolue et s’améliore. Ainsi de nombreux constructeurs de caméras (RED, Sony, ARRI,…) proposent des mises à jour afin d’avoir des meilleurs contours, une meilleure restitution des couleurs, moins de bruit… Et dans le cas où vous avez tourné en RAW, il vous est possible de bénéficier de ces améliorations des années après votre tournage.

RAW le meilleur des mondes ?

La mise en place d’un flux de production avec des fichiers RAW est restée très élitiste pendant toutes ces années pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, chaque constructeur de caméra développe son propre format RAW (Sony RAW, ARRI RAW…). Ces formats Raw demandant beaucoup de débit et d’espace de stockage. Il faut donc ajouter des extensions adaptées et coûteuses aux caméras. De plus, la lecture des fichiers RAW n’est possible que via des applications dédiées qui permettent le développement des images et le transcodage afin que ces fichiers vidéo soient lus par les logiciels de montage.

Module RAW d'une caméra Sony.
Module d’extension RAW pour caméra Sony.

Pour le cas des caméras RED, cela est un petit peu différent. En effet, le développement des caméras RED a été réalisé autour du codec REDCODE. Il n’y a donc pas d’ajout à faire aux caméras RED. Les fichiers peuvent être décodés soit par l’application native de RED (RedCine) ou bien directement dans les logiciels de montage en installant les codecs RED sur votre système Windows ou Mac OS X.

Plugin RED dans logiciel Final Cut Pro X.
Plugin RED dans Final Cut Pro X.

Par contre, pour décoder les fichiers RED, il faut une grande puissance de calcul assurée soit avec des cartes dédiées comme les RED ROCKET, soit avec des cartes graphiques (GPU) très puissantes. Sans elles, vous n’aurez pas de lecture en temps réel.

Carte graphique pour travailler en RAW vidéo.
Carte de décodage Red ROCKET-X.

Depuis quelques années, il est possible d’enregistrer des fichiers RAW sur des caméras plus modestes comme les caméras Blackmagic Pocket qui permettent d’enregistrer des fichiers RAW via des séquences d’images au format DNG (Digital Negative). Le tout sur des cartes de stockage SD beaucoup plus abordables. Le seul problème est la gestion des fichiers en postproduction. Tous les logiciels de montage ne sont pas compatibles avec les séquences d’images. Il faut donc passer par une étape de transcodage. De plus, la gestion des centaines de milliers de fichiers n’est pas non plus optimale pour le montage.

Fichier RAW DNG.
Des milliers de fichiers RAW en DNG.

APPLE PRORES RAW et BLACKMAGIC RAW.

En avril 2018, Apple a surpris tout le monde avec l’annonce du PRORES RAW. Élaboré en collaboration avec la société ATOMOS, ce codec a pour but d’offrir la souplesse des codecs compressés avec la puissance des fichiers RAW.

Enregistrement caméra RAW en ProRes.
Processus d’enregistrement de fichiers ProRes RAW.

C’est-à-dire un codec RAW très léger (3x moins lourd qu’un fichier RAW classique) lisible directement depuis le logiciel de montage (Final Cut Pro X / SCRATCH/ BASELIGHT) sur une station ordinaire. Le tout avec la latitude de modification liée aux fichiers RAW. Le PRORES RAW peut être enregistré sur différentes caméras (Sony, DJI, Canon, Panasonic) soit directement en interne, soit via des boîtiers d’enregistrement externes d’ATOMOS.

Débits de différents format RAW vidéo.
Tableau de comparatif des débits.

En savoir plus sur l’Apple PRORES RAW (livre blanc).

Quelques mois après l’annonce d’Apple, c’est la société Blackmagic Design qui annonce à son tour son propre codec RAW : le Blackmagic RAW. Ce dernier se différencie par le fait qu’une partie du traitement est réalisé par la caméra (décodage de la matrice, amélioration des contours) alors que le reste (tone mapping, balance des blancs, transformation de l’espace de la couleur) se fait au sein du logiciel.

Le gros intérêt est de laisser le décodage complexe de l’image à la caméra. La partie logiciel fournira un traitement plus léger. Cela demandera donc moins de puissance de calcul en postproduction et donc, une plus grande fluidité des images. Un autre avantage, par rapport au PRORES RAW d’Apple, est que le Blackmagic RAW est multiplateforme (Windows, Mac et Linux).

L’inconvénient est que si Blackmagic améliore ses algorithmes, cela devra passer par une mise à jour de la caméra et les anciens fichiers RAW ne pourront bénéficier de ces améliorations. Autre point négatif, à ce jour, seules les caméras de Blackmagic Design sont compatibles avec le Blackmagic RAW. On imagine mal, un constructeur intégrer un codec d’un constructeur concurrent.

La Guerre des codecs RAW est déclarée !

Avec des capteurs toujours plus performants, des stations de travail toujours plus puissantes, la démocratisation des fichiers RAW n’est qu’à ses débuts. Et ce n’est pas la démocratisation du HDR, des résolutions 4K/8K qui ralentiront cet essor, au contraire.

Les éditeurs tels qu’Apple et Blackmagic Design ont bien compris l’enjeu de s’imposer avec un standard de format RAW. La guerre des codecs a même atteint la justice, avec une bataille entre Apple et RED. En effet, RED a déposé des brevets concernant la compression/décompression des fichiers RAW. Apple se bat pour faire invalider ces brevets afin que les constructeurs de caméras puissent intégrer les codecs RAW compressés en interne.

Le RAW pour tout le monde ?

L’utilisation des fichiers RAW en vidéo apporte des avantages indiscutables. Ces fichiers offrent une souplesse lors de la postproduction permettant des affinements extrêmes. Mais, ils alourdissent le flux de production ajoutant des étapes intermédiaires et nécessitant des configurations de station de travail plus puissantes. Pour certaines productions qui demandent un traitement rapide, comme les news, le RAW ne sera pas le meilleur choix.

Cependant, avec l’arrivée des nouveaux codecs Apple ProRes RAW et Blackmagic RAW, l’utilisation des fichiers RAW se simplifie et va démocratiser au plus grand nombre l’utilisation du format. Maintenant, reste à savoir si l’un de ces nouveaux codecs va devenir le standard.

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Auteur

Photographe, auteur et formateur. Il est un grand spécialiste de l'industrie de l'image. La photo et la vidéo n'ont pas de secret pour lui.

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