Consacrée au « Chant des Coquelicots et autres contes du vivant », la quatrième édition des Sentiers de la Photo résonne comme le cri d’alarme d’artistes engagés pour la défense de la biodiversité. 

Qui a dit qu’une expo devait forcément se dérouler entre quatre murs ? Quatre ans déjà que Les Sentiers de la Photo proposent de découvrir plus d’une centaine de clichés grand format au cours d’une balade dans la forêt vosgienne, « parce que culture rime avec nature. » Là-haut, tout en haut du Haut-du-Tôt, l’accès est libre et ouvert à tous. De l’aube au crépuscule, de la fin du printemps à l’arrivée des premières neiges.

« Privilégier le regard de photographes tournés vers la beauté sauvage de notre planète » a toujours été le crédo des organisateurs du festival. Une « beauté sauvage » que l’on sait furieusement menacée – d’où le thème ô combien actuel choisi pour cette nouvelle exposition : la splendeur de la biodiversité à travers le regard de cinq photographes, plus une exposition collective.

© Sandra Bartocha

PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS

« Aujourd’hui, alors même que l’inventaire du vivant semble loin d’être achevé, émerge la crainte réelle de ​voir disparaître des espèces à peine connues et d’autres qui nous sont familières depuis des milliers d’années à l’image de l’abeille ou du coquelicot » explique Stéphanie Rauscent, Présidente des Sentiers de la Photo. « Aussi, l’édition 2019 met en lumière ​le petit peuple des prairies et des forêts​, ces héros merveilleux de la grande saga de la vie terrestre. Parce que la beauté peut faire naître la compréhension, la prise de conscience et le respect de la nature, dont nous faisons intégralement partie. » 

C’est donc au coeur d’une galerie d’art on ne peut plus naturelle que le visiteur-randonneur part à la découverte des oeuvres, fixées sur des panneaux au détour d’un sentier ou au milieu des sapins. (D’ailleurs, petite parenthèse : prévoyez de bonnes chaussures, car on parle bien de « sentiers » forestiers… En même temps, comme dirait votre voisin de gauche, « c’est le nom du festival ». Mais tout de même, il est toujours bon de le préciser : certaines photos sont situées en pleine forêt, alors préparez-vous à grimper un peu.)

Strelitziaceae. Endozoochorie. South Africa. 8 cm (1 fruit) © Paul Starosta

Cela étant dit, la balade incite à la contemplation – le silence comme nécessité naturelle, à la fois pour admirer les oeuvres. Ecouter la nature, plonger dans l’intime. Prendre conscience. « Notre planète bleue est une source d’inspiration formidable mais aussi de respect, car l’aventure humaine ne saurait perdurer sans préserver notre Terre. » Un fait que chacun des artistes mis en avant cette année a bien compris.

5 PHOTOGRAPHES…

Ecrivain-paysan-photographe, grand connaisseur de la « biodiversité ordinaire que nous piétinons trop souvent avec mépris », Bernard Bertrand fait partie des lanceurs d’alerte de notre temps. Pas étonnant donc de découvrir dans les Vosges sa série consacrée aux abeilles ! D’autant que l’objectif est ici de détricoter les préjugés solidement ancrés sur les demoiselles. Une idée qu’il résume d’ailleurs en un : « ​il y a urgence à changer notre regard sur les abeilles et accepter l’évidence que moins on s’occupe d’elles, mieux elles se portent ! »

De son côté, Stéphane Tourneret nous emmène faire le tour du monde des « routes du miel ». Du Népal au Cameroun, de la Russie au Mexique, de la Nouvelle-Zélande aux Etats-Unis… Le photographe a réalisé un gros travail de fond sur le métier d’apiculteur à travers la planète, mettant en exergue méthodes anciennes et découvertes scientifiques récentes pour mieux respecter et préserver ces indispensables insectes.

Soufré (Colias hyale) en vol devant le soleil couchant © Ghislain Simard

Un peu plus loin, les filles du soleil laissent la place aux papillons… Ceux de Stéphane Hette tout d’abord, photographe ardéchois dont la préoccupation première est la ​préservation de ses modèles vivants​. Avalanche de couleurs, beauté de l’instant, vie suspendue… Des images pour lesquelles l’artiste a d’ailleurs développé sa propre technique de prise de vue. Au détour d’un sentier, d’autres couleurs virevoltent, en mouvement cette fois-ci… Ghislain Simard immortalise l’insecte en plein vol. ​Considéré comme un spécialiste de la photographie ultra-rapide​, l’artiste originaire des Vosges s’attarde sur les détails infimes qui font la beauté de ce petit peuple des airs. 

De l’infiniment petit également chez Paul Starosta, « portraitiste » du monde végétal, animal et minéral… Un photographe naturaliste passionné d’environnement, qui cherche à mettre en lumière cette richesse trop souvent oubliée de notre planète. Vous ne regarderez plus jamais les graines comme avant !

… & 1 COLLECTIF

Et puis il y a aussi au coeur de la montagne vosgienne, cet étonnant champ de coquelicot, jolie fleur rouge de nos prairies désormais en voie d’extinction… Là, les organisateurs des Sentiers de la photo ont choisi de faire passer le message du mouvement « L’appel des coquelicots« . On se promène alors, le coeur lourd, au milieu d’une exposition collective – et engagée, forcément – consacrée à la petite fleur des champs… Symbole de la lutte contre l’utilisation de pesticides de synthèse. On y retrouve, dans l’ordre alphabétique, les coquelicots de Bruno d’Amicis, Ingo Arndt, Sandra Bartocha, Bertrand Bodin, Theo Bosboom, Pascal Bourguignon, Jim Brandenburg, Olivier Föllmi, Pierre Gleizes, Jean-françois Hellio & Nicolas van Ingen, Céline Jentzsch, Jean-Louis Klein & Marie-Luce Hubert, Jonathan Lhoir, Vincent Munier, Louis-Marie Préau, Reza, Matthieu Ricard, Cyril Ruoso, Jean-Claude Teyssier et Jan van der Greef.

© Sandra Bartocha

« L’ambition de l’édition 2019 est de relayer un message de mise en garde, mais aussi d’espoir, pour que chaque visiteur des Sentiers de la photo puisse repartir avec des étoiles dans le regard, comme ​une nuée de petites graines qui donneront de grandes prairies de coquelicots​ » conclue la présidente.

L’année dernière, plus de 70 000 visiteurs ont grimpé sur le « toit des Vosges » pour découvrir le « toit du monde » – le Tibet, alors sujet principal de l’édition 2018. Gageons que cette nouvelle balade poétique, sensible et  pédagogique saura une nouvelle fois trouver son public.

Les Sentiers de la Photo, à voir du 11 mai au 30 octobre 2019, Le Haut-du-Tôt – Vosges (88).

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Auteur

Journaliste, Curieuse, Baroudeuse, Couteau Suisse. Passionnée par le cinéma, la littérature, la photographie et la contre-culture. Bref, lire, écrire et courir, mais pas les trois à la fois parce que ce n'est pas pratique.

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