Avez-vous déjà entendu parler des objectifs anamorphiques ? Peut-être pas. En revanche, vous avez sûrement déjà vu des films ou séquences tournés avec ces optiques et pour cause : ce sont les objectifs prisés par les réalisateurs du monde du cinéma. Jadis réservées aux productions les plus poussées, les optiques anamorphiques se sont progressivement démocratisées notamment grâce à deux constructeurs : Sirui et Laowa. Découvrons les avantages de ces objectifs pas comme les autres !

Les objectifs anamorphiques : de la compression d’image au plan large

Les objectifs anamorphiques ne sont pas des optiques lambda. En effet, là où nos objectifs utilisés en photographie et en vidéo offrent un rendu optique dit « sphérique », le rendu « anamorphique » déforme les perspectives. Pour vous en convaincre, regardez un objectif anamorphique de face (côté lentille frontale) et comparez-le avec un objectif sphérique.

Comparaison objectifs anamorphiques objectifs sphériques
Le Sirui anamorphique (à gauche) est ovale tandis que le Samyang sphérique (à droite) est parfaitement circulaire.

Immédiatement, nous pouvons remarquer que le verre des objectifs anamorphiques n’est pas parfaitement circulaire mais ovale. Cependant et si vous retournez l’optique et que vous regardez le fût arrière, vous pourriez remarquer que le verre est sphérique et non ovale : les objectifs anamorphiques ont simplement une formule optique qui donne ce rendu ovale. Oui mais pourquoi ?

La différence fondamentale entre une optique sphérique et une anamorphique concerne le ratio d’image, c’est-à-dire la proportion entre la largeur et la hauteur ; pour le dire autrement, l’utilisation d’une optique anamorphique permet à focale équivalente d’obtenir une image plus large tout en conservant les mêmes proportions en hauteur.

Alors qu’une séquence « classique » est filmée au ratio 16/9ème, c’est-à-dire une proportion de 16 de largeur par 9 de hauteur (voir image ci-dessous), l’utilisation d’un objectif anamorphique permet d’atteindre un ratio qui oscille autour de 2,39/1, c’est-à-dire 2,39 de largeur pour 1 de hauteur. Ce ratio large a pris un nom : le « Cinémascope ». En comparant les deux ratios, on se rend compte immédiatement que l’utilisation de l’anamorphique permet de voir bien plus largement.

Comparaison 16/9 et Cinemascope
Le ratio « Cinemascope » 2,39/1 est bien plus large que le traditionnel 16/9. @NOHCAB

Les objectifs anamorphiques : une histoire de compression d’image

Cet élargissement du champ de vision n’est pas un tour de magie mais bien de l’optique : rappelez-vous, la formule optique entraîne un rendu ovale et non sphérique. Pourquoi ? Tout simplement parce que les capteurs sont souvent au format 4/3 ou 16/9 et que l’image projetée par l’optique doit correspondre au ratio du capteur. Ainsi, l’ovalité offerte par l’anamorphose engendre une compression des formes dans la largeur de l’image. Bref en sortie d’objectif, c’est comme si vous preniez une photo et que celle-ci était écrasée en largeur …

Ratio objectifs anamorphiques
L’image supérieure est compressée et les perspectives « tassées » ; après décompression (en bas), les formes redeviennent naturelles et l’image s’élargit. @NOHCAB

En l’état, vous obtenez une image compressée au ratio de votre capteur (souvent 4/3 ou 16/9) ; pour obtenir le rendu anamorphique et le ratio large 2,39/1, il faut décompresser l’image afin de l’étendre en largeur. Cette opération était réalisée par le passé via une lentille déposée devant le projecteur ; de nos jours, cela s’effectue numériquement.

Également, il est vivement conseillé d’utiliser une caméra (comme un GH5 ou un GH6) ou un moniteur externe (chez Atomos ou Portkeys par exemple) qui utilisent la fonction « Desqueeze » : concrètement, l’image est décompressée en direct afin d’obtenir à l’écran (lors de la prise de vue) le champ anamorphique large et non une image compressée en 16/9.  

Une fois l’image étendue, on se rend immédiatement compte de l’apport de l’anamorphique par rapport aux objectifs sphériques « standards ».

Le rendu cinéma : l’identité des objectifs anamorphiques

Mais alors, pourquoi ce format plus large ? Pour comprendre, il faut remonter aux années 1950. À l’époque, la télévision se démocratise et se répand dans les ménages ; parallèlement, l’industrie du cinéma craint de disparaître par la diffusion des films au sein des foyers. Alors que la télévision affiche des séquences au ratio 16/9ème, les cinéastes ont comme idée de filmer dans un ratio plus large qui ne serait pas idéal dans les télévisions : les tournages aux optiques anamorphiques deviennent la signature des productions cinématographiques.

Apocalypse Now objectifs anamorphiques
Apocalypse Now (F. F. Coppola, 1979) est un exemple typique de l’utilisation de l’anamorphique comme signature visuelle cinématographique.

D’Apocalypse Now à Interstellar en passant par Batman, les productions Hollywoodiennes adoptent cette signature si reconnaissable : une image large avec des bandes noires. Cependant, la signature visuelle de ces optiques ne se limite pas uniquement à la largeur de l’image.

Tout d’abord, les formules optiques ont pour conséquence la formation de flares horizontaux striés lorsque l’objectif croise une source lumineuse ; le plus souvent, ces flares sont bleutés ou orangés selon les ambiances souhaitées. Plus largement, ces optiques sont plus sensibles aux flares et diverses fuites de lumière. Ce qui peut apparaître comme un défaut est pour de nombreux vidéastes un atout tant cela peut apporter du caractère à l’image.

Flare des objectifs anamorphiques
Le flare strié et coloré est un élément visuel typique des optiques anamorphiques. @Laowa

Aussi, ces objectifs offrent des billes de bokeh ovales très reconnaissables qui deviennent de véritables signatures visuelles. Par ailleurs, le rendu paraît plus doux et moins « nerveux » que les optiques traditionnelles sur les capteurs numériques ; contrairement à la photo où la netteté est souvent recherchée, la douceur est un point important pour les vidéastes. Enfin, ces cailloux peuvent être plus sensibles aux défauts optiques, que ce soit le vignettage, les distorsions ou encore les aberrations chromatiques.

Bokeh des objectifs anamorphiques
Ovale, le bokeh de ces optiques est une véritable signature visuelle ! @Sirui

Dès lors, ces optiques sont particulièrement intéressantes pour les vidéastes. Cependant, elles ont eu pendant longtemps un défaut majeur : elles coûtaient un rein, deux yeux et une jambe ! Progressivement, des constructeurs ont démocratisé ces optiques pour permettre au plus grand nombre d’obtenir ce rendu si unique.

Sirui : les optiques anamorphiques compactes et abordables

Et si l’anamorphique n’était plus réservé aux studios de cinéma ? Depuis plusieurs années, Sirui s’est lancé sur ce marché en proposant des optiques à des prix imbattables. Le plus souvent, les optiques anamorphiques sont conçues pour les capteurs micro 4/3 ou pour les capteurs Super 35 (proches du format APS-C).

Objectif anamorphique Sirui
Les optiques anamorphiques Sirui sont compactes, légères et accessibles. @Sirui

Sirui a bouleversé le marché optique en proposant un 50mm 1.8 1,33x en monture L-Mount (pour Lumix & Olympus 4/3) ou Fuji X (APS-C). En effet, cet objectif est commercialisé à moins de 500 euros ! Au menu, l’ensemble des ingrédients qui font l’identité d’une optique anamorphique : un ratio 2,4/1 grâce à l’élargissement horizontal de 1,33x (on passe alors d’un ratio 16/9 à un ratio 21,3/9 soit … Environ 2,4/1), un bokeh ovale ou encore des flares linéaires et bleutés. Avec le crop factor, cette optique équivaut à un 75mm en APS-C et un 100mm en 4/3 ; si l’on croise la focale avec son ouverture lumineuse de 1.8, alors il est facile de comprendre à quel point cette optique est adaptée pour des plans serrés avec une faible profondeur de champ !

Rendu cinéma objectifs anamorphiques
Pour le prix, le 50mm Sirui offre un rendu ciné incomparable en comparaison à des optiques classiques. @Sirui

Si vous cherchez une focale plus large, Sirui propose également un 24mm 2.8 en monture 4/3 qui reprend des caractéristiques proches du 50mm. Cependant, Sirui n’est pas la seule firme qui commercialise des optiques anamorphiques abordables.

Objectifs anamorphiques Laowa : des optiques pour tous les projets

Laowa commercialise également des optiques pour 4/3 ou APS-C. Les vidéastes qui cherchent un setup complet et abordable pourront regarder du côté du pack Nanomorph S35 Prime, trois optiques fixes anamorphiques (27mm T2.8, 35mm T2.4 et 50mm T2.4) au rapport de compression 1,5x.

Aussi, ces optiques ont un atout de poids : elles sont ultra compactes (moins de 9 cm de long) et légères (390g pour le 50mm, 360g pour le 35mm et 313g pour le 27mm). Ces caractéristiques physiques en font des optiques idéales pour des setups légers tels que des hybrides ou de petites caméras.

Objectif Laowa en monture Sony
Monté sur un Sony A7C, le Laowa 50mm T2.4 possède un gabarit adapté à ce type de boîtier. @Laowa

Enfin, Laowa propose trois versions de cette série Nanomorph : Argent, Ambre et Bleu. La différence de version se fait en fonction du rendu des flares. En version Argent, le flare sera le plus naturel et selon la lumière ; en version bleu, le flare sera bleuté ; enfin en version Ambre, le rendu sera jaune/orangé pour un rendu plus chaud et chaleureux. La marque propose ce trio d’objectifs en monture Canon RF, L-Mount et Sony E.

Si vous cherchez des optiques cinéma plus poussées et plus lumineuses, Laowa va plus loin avec la gamme Proteus. En effet, cette série d’objectifs regroupe des focales fixes très lumineuses (toutes en T2 !) : 35mm, 45mm, 60mm et 85mm. Également, tous ces cailloux ont un rapport de compression de 2x et sont conçues pour les capteurs Super 35 en monture Arri PL. Leur monture Arri explicite à quel point ces optiques sont conçues pour des productions plus exigeantes.

Gros plus, un adaptateur permet de monter ces optiques en monture Canon EF ; en utilisant un adaptateur 1,4x, il est aussi possible de monter ces Proteus sur des capteurs plein format, ce qui étend considérablement les capacités.

Ces optiques sont clairement destinées à des vidéastes qui cherchent des optiques ambitieuses : une ouverture ultra lumineuse de T2, une distance minimale de mise au point réduite (de 0,55m pour le 35mm à 0,82m pour le 85mm), des formules optiques complexes ou encore un rendu typiquement « ciné » notamment grâce au flare ambré. Aussi, le poids de ces optiques rappelle qu’elles sont destinées à des productions plus poussées puisqu’il oscille entre 2,4 et 2,95 kg. Enfin, le tarif est aussi plus premium puisque ces références sont proposées individuellement au tarif de 6600 euros.

Le rendu cinéma pour tous !

Vous souhaitez obtenir un rendu ciné à vos séquences et donner une touche unique à vos productions ? Les optiques anamorphiques sont faîtes pour vous ! Avec leur ratio d’image plus large, leur bokeh ovale ou encore leurs flares striés uniques, ces objectifs ont une signature immédiatement reconnaissable. Sirui et Laowa proposent des références très intéressantes pour entrer dans le monde de l’anamorphique (vous pouvez retrouver les différentes références dans le tableau ci-dessous) avec des tarifs raisonnables.

Les références d'objectifs anamorphiquesLes liens pour y accéder
Sirui 50mm 1.8 en monture 4/3
Sirui 50mm 1.8 en monture Fuji X
Sirui 24mm 2.4 en monture 4/3
Packs Laowa Nanomorph S35 Prime
Laowa Proteus 35mm T2 (monture Arri PL)
Laowa Proteus 45mm T2 (monture Arri PL)
Laowa Proteus 60mm T2 (monture Arri PL)
Laowa Proteus 85mm T2 (monture Arri PL)
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Auteur

Photographe de nature et télépilote amoureux des merveilles de la nature. Malheureusement atteint par le G.A.S (Gear Acquisition Syndrome).

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