A 35 ans, Parker Day a déjà marqué de son empreinte flashy le monde de la photographie… Avec ses portraits déjantés façon pop macabre sous acide, la jeune femme explore l’identité et le corps humain en tirant à vue sur les standards de la beauté.

Je cherche à capturer un sentiment, pas seulement une esthétique. »

ICONS © Parker Day

Parker Day est de ces artistes dont on reconnait le style d’un seul coup d’oeil. De ceux qui ont fait de leur univers leur marque de fabrique. Couleurs ultra saturées, mises en scène improbables, atmosphère psychédélique. Personnages surréalistes comme sortis de la Grande Parade des Monstres sous acide – mais aux émotions profondément humaines, qui marquent et interpellent.

Des portraits dont on parle autant dans Time Magazine, The New Yorker, Tracks ou Libération. « Je pense que l’identité est une construction malléable que nous avons le pouvoir de démanteler » se plait-elle à répéter. D’où sa joie non dissimulée à l’idée de se jouer des codes pour affirmer le courage de la différence, et l’acceptation de soi en tant qu’être vivant et transmuable.

CO(S)MIC GIRL

Derrière les images de Parker Day, on imagine un brin de femme complètement barrée… Et c’est exactement ça : des tatouages partout, un look aussi improbable qu’assumé, une personnalité (très) haute en couleurs. Qui aime les chats et David Lynch, Franz Kafka et Lenoard Cohen, le running et Jim Jarmush. « J’ai commencé à prendre des photos quand j’étais petite car ma mère me photographiait en permanence avec son appareil 35 mm… J’ai voulu faire la même chose. J’étais enfant unique et scolarisée à la maison, alors dès qu’elle m’a offert un appareil photo jetable, j’ai mis mes Barbie dans le jardin, j’ai arrangé un petit tableau et je les ai prises en photo. »

ICONS © Parker Day

Son imagination foisonnante et son goût pour la pop culture ne date donc pas d’hier… Grandir dans la boutique de comics de son père, forcément, ça laisse des traces. Encore plus lorsque l’on sait que le sous-sol du shop était rempli de comics libertaires, signés Robert Crumb ou Harvey Pekar… Anti-conformiste en culottes courtes ? Sans aucun doute.

Un état d’esprit devenu une philosophie de vie, qui la poussera, plus tard, à stopper son apprentissage de la photo lorsqu’elle comprend qu’il n’y a pas de place pour sa folie créatrice sur les bancs normés de l’université de San Francisco . Découragée, Parker Day vit alors de petits boulots (promoteur d’événements en discothèque, coiffeur-styliste…) avant de se tourner à nouveau vers la photographie. Peu importe les diktats, la passion est trop forte : la jeune femme choisit de s’amender en créant son propre studio photo à Los Angeles.

MONSTRES & CIE

« J’ai passé beaucoup de temps à penser, rechercher, tester et surtout écrire avant de commencer ICONS, ma série de 100 portraits de personnages. Je savais que je réussirais mieux si je construisais un style cohérent avec lequel je serais heureuse de rester. » Entre juillet 2015 et novembre 2016, Parker Day réalise sa première série, ICONS, qui va rapidement dynamiter les codes du milieu de la photo.

Les choix sont audacieux : elle utilise un appareil argentique et renonce à Photoshop, accentue la lumière, pousse au plus fort la couleur, joue avec le grain pour restituer au mieux la réalité de sa mise en scène. Très vite, la presse compare son travail à celui de David LaChapelle et de Cindy Sherman, ce qui lui convient assez.

ICONS © Parker Day

« Dans mes travaux, je veux explorer l’identité et la façon dont nous sommes capables de changer et de nous réinventer, de jouer avec notre personnalité. Nous ne sommes pas figés : au fond de nous, nous avons le potentiel de vivre plusieurs vies différentes, d’incarner des identités diverses. ICONS célèbre les masques que nous portons. » Pour cette série, elle photographie des gueules, des attitudes, des looks. Des « costumes », réels ou inventés.

Certains modèles sont des amis, d’autres des inconnus rencontrés sur le web, à qui elle demande d’amener un objet avec lequel ils souhaiteraient être photographiés. Ce que font ou sont ses modèles dans « la vraie vie », ça ne l’intéresse pas… Elle veut accentuer les masques à l’extrême pour mieux montrer ce qu’ils sont au fond d’eux. Utiliser l’esthétique pour découvrir le vrai… « Beaucoup de gens se sentent davantage eux-mêmes avec des tatouages, des cheveux teints ou même une chirurgie plastique. Si l’apparence que se construit une personne lui permet de devenir son vrai soi, comment peut-elle être fausse ? »

PHOTOS D’IDENTITÉ.S

A l’image de l’artiste, les shootings de Parker Day sont dingues. Seule face à son modèle, elle montre elle-même les postures, les grimaces… Pas de gêne, pas de retenue : l’espace de liberté est total et contribue à pousser chacun dans ses retranchements.

« J’ai besoin d’énergie brute. Je maquille mes sujets, joue avec les accessoires… D’ailleurs je rédige des récits, parfois très poussés, sur le personnage qu’ils deviennent. Mais c’est lorsqu’ils sortent de ce qu’ils pensent être, que quelque chose de plus authentique se dégage. C’est cette présence de la vraie émotion que je cherche à capturer à travers une situation artificielle. Evidemment, c’est l’esthétique qui attire en premier, mais c’est l’émotion qui fait réagir l’observateur. Qui le fait entrer en relation avec la photo. » D’où l’importance que Parker Day accorde à la position des corps, à l’expression des regards… Afin de permettre au spectateur d’aller au delà du maquillage et des artifices. « J’utilise le corps dans mon travail comme un véhicule pour transmettre des idées, des croyances et des sentiments. »

ICONS © Parker Day

L’année suivante, elle continue son exploration de l’identité avec POSSESSION, une série de 46 images – 46, comme le nombre de chromosomes que l’on trouve dans l’ADN d’une personne. Ici, les corps sont nus, objets de convoitise quasi hallucinogènes. « Chaque visuel incarne l’aspect d’avoir (ou d’être) un corps. Nous attachons tellement d’importance et projetons tant de jugements sur le corps, cependant, il n’est que la projection matérielle de qui nous sommes. » Ou comment mettre en scène des créatures pour aider le spectateur à chercher au fond de lui le courage d’être différent.

« C’est comme s’il y avait un plan établi sur plusieurs générations. Si on le suit, on vit en sécurité et heureux. Mais si on le déchire, on plonge dans l’inconnu, et l’inconnu fait peur. Mais c’est aussi là que se trouve le potentiel de création… Donc il faut prendre son courage à deux mains, et plonger dans l’inconnu. » On te suit, Parker !

parkerdayphotography.com
@heyparkerday

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Auteur

Journaliste, Curieuse, Baroudeuse, Couteau Suisse. Passionnée par le cinéma, la littérature, la photographie et la contre-culture. Bref, lire, écrire et courir, mais pas les trois à la fois parce que ce n'est pas pratique.

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