Parmi les sports mécaniques, il en est un qui est particulièrement accessible : le rallye automobile. Les bolides s’opposent contre la montre, sur vos routes de tous les jours. Les spectateurs peuvent s’approcher à quelques mètres des voitures lancées à pleine vitesse : idéal pour exercer vos talents de photographe d’action ! Un peu de préparation, une bonne dose de prudence et une technique adaptée vous donneront des clichés spectaculaires.
Prudence avant tout !
C’est le plus important. Le contrôle des spectateurs s’est durci depuis quelques années, mais le rallye reste une discipline extrêmement ouverte. À l’extrême, dans les compétitions historiques, vous pourrez littéralement marcher sur la route où passent les bolides ! Pour que la fête se déroule parfaitement, maintenez une vigilance constante. Bannissez les écouteurs et l’alcool, gardez les yeux ouverts, évitez de vous déplacer près de la route pendant l’épreuve. Si des zones spectateurs sont balisées, respectez-les. N’essayez pas de suivre le photographe de Rallye Magazine ou de DPPI : vous, vous n’avez aucune obligation de résultat, et votre vie vaut plus que n’importe laquelle de vos photos…
Bien entendu, ne vous placez jamais en contrebas de la route ou à l’extérieur des courbes. Mais évitez aussi l’intérieur des virages qui se resserrent ou qui comportent des bosses : ils sont propices aux têtes-à-queues, et les voitures plongent alors à l’intérieur. Restez debout, prêt à partir. Et bien sûr, selon votre objectif, ce que vous montre l’appareil fausse votre impression de distance. Si vous pouvez cadrer les deux yeux ouverts, faites-le ; sinon, méfiez-vous de ce que vous voyez dans le viseur !
N’hésitez pas à emmener vos enfants, mais prévoyez des plans de sortie s’ils se lassent et ne les perdez jamais de vue. Non, vous ne pouvez pas faire des photos et surveiller votre descendance ! Dans ce cas, laissez l’enfant faire les clichés : ça l’aidera à rester attentif et vous garderez plus aisément l’œil sur tout.
Et bien sûr, suivez les consignes des organisateurs. Non seulement ils ont plus d’expérience que vous, mais ils n’hésiteront pas à annuler l’épreuve s’ils pensent que vous êtes en danger.
Quel matériel choisir ?
La photographie sportive est souvent le siège d’une course à l’armement. L’appareil le plus pointu, le plus réactif, avec la plus grosse rafale et le meilleur téléobjectif, est avantagé. Par la proximité du public, le rallye est un peu moins exigeant.
Le plus important est que votre appareil puisse déclencher quand vous le lui dites, et pas une seconde plus tard. Cela semble éliminer nombre de compacts, mais vérifiez si le vôtre permet de désactiver l’autofocus : c’est souvent lui qui les ralentit. Si c’est possible, faites le point sur l’hyperfocale et utilisez la profondeur de champ. Ou bien, faites le point sur un repère et déclenchez lorsque la voiture l’atteint.
Ceci étant, un autofocus continu efficace vous simplifiera beaucoup la vie. Un reflex ou un hybride récent, en activant le suivi de sujet, est l’appareil idéal. Pointez la voiture, appuyez à mi-course, et lorsque le véhicule se présente bien, enfoncez le déclencheur ! Le fait de savoir que le point sera correct libère l’esprit pour les – nombreuses – autres considérations.
Sur le plan optique, le rallye est assez peu exigeant : vous pouvez vous approcher plus que dans bien des sports. Un simple zoom transstandard fait généralement l’affaire. Il m’est arrivé de faire des gros plans au 20 mm – dans des cas très rares, il est vrai ! Le 24-105 mm (ou son équivalent pour votre format) est parfaitement adapté. Néanmoins, gardez un 70-200 mm dans votre besace : peut-être la sécurité vous imposera-t-elle de rester en retrait, ou sur un talus de bonne hauteur.
Tropicalisation et protection
S’il est une caractéristique importante, à mon avis, c’est la protection tout temps. Le rallye est une discipline extrêmement agressive : s’il fait beau, vous aurez beaucoup de poussière (même sur un rallye sur bitume !), et dans le cas contraire, et bien… votre appareil devra affronter la pluie, la grêle, la neige, la boue. Partez du principe que vous ne pourrez pas arrêter la séance pour rentrer poser votre précieux près du radiateur : une fois mouillé, il le restera des heures, même si vous le rangez dans son sac. Les boîtiers sont souvent plus résistants qu’on ne le pense, mais une vraie protection tout temps vous apportera une sérénité appréciable.
Notez aussi qu’en rallye, plus qu’ailleurs, on n’est jamais à l’abri d’un caillou qui vole. Un filtre protecteur sur vos optiques ne sera pas de trop. Si vous possédez une housse de protection (comme celles de Peak Design), n’hésitez pas à l’utiliser !
Le filé
Le rallye est un sport. Aussi, une bonne photo de rallye suit les préceptes de la photo d’action : le mouvement doit être visuellement présent dans l’image. Pour cela, la méthode la plus indiquée est celle du filé. Il s’agit d’utiliser une vitesse suffisamment lente pour qu’un flou directionnel apparaisse à l’arrière-plan.
Le principe est simple : réglez une obturation relativement lente, suivez méticuleusement le sujet tout au long de son passage et prenez les photos. N’hésitez pas à prolonger le geste : si vous l’arrêtez pendant la prise de vue, la voiture sera floue. L’obturation choisie dépend évidemment de la vitesse du bolide, de la distance qui vous sépare et du niveau d’effet voulu. Profitez des ouvreurs, qui circulent avant la compétition, pour tester différentes valeurs ; en général, 1/160 s est un bon point de départ.
Vérifiez aussi le fonctionnement de la stabilisation de votre appareil ou de votre objectif. Son principe de base étant de neutraliser vos mouvements, elle risque de vous empêcher de réussir votre filé ! À l’extrême, il vous faudra la désactiver. Cependant, la plupart des systèmes actuels proposent un mode dédié. Par exemple, sur les Sigma, il s’agit du Mode 2. La stabilisation est alors active sur l’axe vertical mais neutralisée sur l’axe horizontal, vous permettant de suivre le sujet. Les systèmes les plus modernes détectent la rotation régulière d’un filé et s’adaptent automatiquement selon les besoins.
En faire trop ?
Attention toutefois : en deçà d’une certaine vitesse, vous n’aurez plus seulement un filé sur l’arrière-plan, mais aussi sur la voiture elle-même. Certains apprécient, d’autres non. En tout cas, cet effet extrême peut donner des images très dynamiques, en particulier avec un cadrage serré. Un seul élément du cliché est net, et tout le reste témoigne d’un mouvement spectaculaire.
Bien entendu, le risque que l’image soit entièrement floue est grand. Ce style de cliché demande de l’entraînement pour arriver à suivre correctement l’action. En fait, il ne faut pas viser la voiture, mais un point de celle-ci, celui que vous voudrez voir net. La tête du pilote est un choix tout indiqué. Ne regardez surtout pas la calandre : vous aurez naturellement tendance à la suivre et c’est elle seule qui sera nette ! Si, de votre point de vue, le pilote est invisible, tentez de viser le montant du pare-brise. Dans notre façon de « lire » une image, celui-ci est pour une voiture l’équivalent des yeux pour un visage. Les créateurs du film Cars ne s’y sont pas trompés !
Le mouvement autrement
Le filé n’est pas le seul moyen de dynamiser le cliché. Par rapport à d’autres disciplines, le rallye profite en effet de nombreux effets visuels : mouvement des roues, projections de terre et de neige, sauts…
Les glissades peuvent avoir un effet similaire : même figée, nous savons qu’une voiture en dérive se déplace. Si, en particulier, elle laisse de belles traînées ou un nuage de poussière derrière elle, nous comprenons qu’elle avance.
De nuit, le flash peut être indispensable. Or, il fige les mouvements : la voiture paraît surnaturellement nette, d’autant plus que la route éclairée par ses phares peut, elle, immortaliser votre rotation ! Vous pouvez photographier en synchronisation lente au second rideau, afin que les lumières du bolide créent des traînées sur l’image et que le flash expose la voiture nette, mais cet effet limite vos choix de cadrage et devient vite monotone. De manière générale, vous devrez sans doute accepter que vos photos soient figées.
Cela peut en revanche ouvrir d’autres opportunités. La chute de la neige, par exemple, a un rendu très particulier de nuit, qui peut avoir un effet hypnotique ou onirique.
Le flash peut également pénétrer les habitacles et faire ressortir les pilotes, renforçant l’élément humain de votre image. Il est particulièrement intéressant sur les rallyes de véhicules historiques, où les équipages ne portent généralement pas de casques : le flash peut saisir leur fatigue, leur concentration, leur effort… ou leur lassitude de prendre des éclairs dans le visage ! À ce sujet, lorsque vous utilisez un flash, ne photographiez jamais une voiture de face…
À vous de jouer !
Il y aurait bien plus à dire. Un rallye se prépare en amont : les organisateurs fournissent les itinéraires, souvent assortis d’indications sur les zones intéressantes à photographier. Pensez que les accès sont fermés environ deux heures avant, parfois à plusieurs kilomètres de la compétition. Prenez de bonnes chaussures et de quoi vous alimenter. Prévoyez aussi des vêtements pour toutes les éventualités.
Sur place, respectez les habitants chez qui le rallye passe. N’abîmez pas leurs propriétés. Allez également voir les à-côtés : l’organisation des villes-étapes, les parcs mécaniques, le podium d’arrivée… N’oubliez pas les photos d’ambiance et les paysages.
Trouvez un rallye, il y en a forcément un près de chez vous. Entraînez-vous sur les régionaux et les historiques : les voitures passent moins vite et l’organisation plus souple – vous serez plus libre de vos mouvements. Ceci dit, si une épreuve de championnat du monde est plus difficile à photographier, l’ambiance d’un Monte-Carlo sur le col de l’Écharrasson ou à Saint-Bonnet-le-Froid est incontournable !
Souvenez-vous : soyez prudent. Et faites des photos.
8 Commentaires
Niveau trépied, j’ai un bon manfrotto récent. Niveau flash, j’hésite à me procurer un godox t685II, mais j’ai peur qu’il ne soit pas assez puissant pour de l’extérieur.
Pour le boîtier, j’ai un A7C, je vais tester tout ca dans les prochain jour.
Ce qui me questionne, c’est sur la fin, pour régler le mode prise photo juste avant la fin de la pause longue.
J’ai fait celui de l’année dernière et c’est vrai que c’est assez stricte. mais les tourniquets sont de retour cette année et je pense qu’en arrivant bien en avance, je devrais trouver un spot sympa ! En-tout-cas merci beaucoup pour toutes ces explications.
Je me disais aussi, est-ce obligatoire de deporter le flash sur un autre trepied ?
Non, pas obligatoire. Mais s’il est fixé sur l’appareil et qu’on utilise le déclenchement manuel du flash, on risque de faire bouger en appuyant sur le bouton et d’avoir une cassure sur les traînées.
Notez qu’on peut aussi laisser le boîtier sur le trépied et tenir le flash à la main, c’est même plus pratique pour le déclencher quand on veut.
Pour un déclenchement au second rideau en revanche, on peut tout à fait laisser le flash sur l’appareil, ça évite d’avoir à régler un déclenchement sans fil. Ça risque juste de donner des reflets dans l’axe sur la voiture.
Merci beaucoup pour votre retour, super bien détaillé ! j’ai vu beaucoup de photo notamment sur les tourniquet de bayons on l’on vois cette scène folle avec une voiture nette et une trainé de lumière derrière.
je part maintenant à la quête d’un flash pour le Monte-Carlo 2024 ^^.
Bonjour, un grand merci pour votre commentaire ! N’hésitez pas à contacter notre service client pour des conseils de matériel, au 03 83 18 26 04 ou par mail : https://www.missnumerique.com/informations/contact.php. Bonne journée.
Bonjour Louan,
si vous pensez à des photos comme celles de cette page : http://forum-rallye.com/index.php?/topic/4910-monte-carlo-2020-es2-bayons-br%C3%A9ziers/ , il vous faut un bon trépied et un appareil réglé en pose B/T, avec le flash au second rideau. En pose B, appuyer sur le déclencheur (de préférence avec une télécommande pour ne pas faire vibrer l’appareil photo) avant que la voiture apparaisse et le relâcher lorsqu’elle passe (quelques dizaines de secondes plus tard, donc). En pose T, le principe est le même mais en deux appuis séparés : une fois avant que la voiture apparaisse pour commencer la photo et une deuxième fois lors de son passage pour la finir.
Il est également possible d’utiliser le mode M, avec un temps de pose couvrant la totalité du passage (plusieurs dizaines de seconde donc, en lançant avant son apparition). On déclenche alors le flash manuellement lors du passage de la voiture, et les traînées apparaissent à la fois devant et derrière (exemple sur la deuxième photo du lien ci-dessus, celle de Mike’s Photo). Ce n’est plus l’appareil qui déclenche le flash, mais le photographe lui-même.
Dans les deux cas, beaucoup d’essais seront nécessaires avant de maîtriser la technique… Bon courage ! (Et pensez à vérifier avant que le point visé est accessible au public : le Monte-Carlo a beaucoup restreint les zones spectateurs ces dernières années.)
Avez vous des réglage ou une méthode de prise de vue particulière pour les photo de nuit en pose longue ? l’idée et d’avoir le sujet (en l’occurence une voiture ^^) nette et un trainé de lumière des feux sur l’arrière… possible ?
Merci beaucoup pour votre article qui pause bien les bases !
Bonjour Louan,
oui, c’est possible ! D’abord, il faut savoir que la durée de l’éclair du flash (de l’ordre de 1/1000 s à pleine puissance) figera de toute façon les mouvements. Inutile donc d’essayer de faire des filés sur la voiture : faites votre cadrage avec un appareil fixe (trépied ou support).
Ensuite, il faut activer la synchronisation au second rideau (selon les appareils, dans les réglages du flash). C’est elle qui déclenchera l’éclair à la fin de la photo et non au début. Ainsi, les traces des objets lumineux (phares, feux, éventuellement reflets de réverbères…) enregistrées durant la pose longue apparaîtront derrière la voiture illuminée à la fin. Déporter le flash (sur un mini-pied par exemple) grâce au TTL sans fil permet aussi d’éviter les reflets directs vers l’appareil photo et donc d’éclairer la voiture de manière plus homogène (y compris l’intérieur parfois, attention à ne pas gêner les pilotes…).
La principale difficulté est la gestion du temps de pose : la voiture est éclairée en toute fin d’exposition, x secondes après le déclenchement. Il faut donc trouver le bon réglage, selon la vitesse des véhicules, pour d’une part avoir une pose assez longue pour garder toute la traînée des feux et d’autre part que la voiture se trouve à l’endroit voulu dans votre composition à la fin du temps de pose. Pas d’autre solution que de tâtonner !
S’il fait suffisamment sombre, vous pouvez essayer d’utiliser une télécommande et le mode B : lancez l’exposition lorsque la voiture est à l’endroit où les traînées doivent débuter, terminez-la lorsqu’elle arrive à l’endroit où elle doit être visible dans la photo, et l’appareil lancera alors le coup de flash juste avant de fermer l’obturateur. Attention toutefois : certains appareils ne permettent pas d’associer pose B et synchronisation au second rideau.
Bon courage !