Tout le monde a déjà entendu parler du storyboard. On visualise ces fameuses planches souvent proches des bandes dessinées et décrivant les scènes d’un film. Considéré comme un travail supplémentaire, inaccessible ou coûteux, la plupart des réalisateurs indépendants se passent du storyboard alors qu’il peut s’avérer très utile.
Pourquoi en faire, et quel est l’intérêt de coucher ces fameux « dessins » sur papier ou écran ?
Qu’est-ce qu’un storyboard ?
Comme on le voit sur cette planche du film Jurassic Park, un storyboard ressemble à s’y méprendre à une bande dessinée. Il s’agit d’un ensemble de vignettes ou dessins illustrant un scénario, le déroulement naturel de l’histoire. Chaque « case » représente un plan du scénario, il sera donc intéressant d’effectuer au préalable un découpage technique de ce dernier. C’est cette étape qui décrit techniquement les plans. Le storyboard illustre les plans : on peut y voir la valeur de plan, le cadre et ses mouvements, l’action phare… Les images pourront (selon vos attentes) comporter des annotations, des indications de mouvement de caméra, des descriptions d’action etc.
Si vous êtes réalisateur, il vous appartiendra de définir le niveau de détail, en fonction de l’aide que le storyboard vous apportera. Vous vous rendrez ainsi mieux compte des contraintes techniques avant le tournage et pourrez figer sur le papier la version illustrée de votre scénario. Le storyboard n’est pas fait pour être joli, mais pour ne pas laisser de place au hasard lors du tournage. Il est plus ou moins complet en fonction de la complexité du film qui sera réalisé. Cependant, les illustrations ne couvriront que les scènes clés ou celles qui peuvent s’avérer plus délicates à tourner. Ne conservez donc que celles qui sont importantes pour le scénario et celles qui ne doivent laisser aucune place à l’improvisation.
Pourquoi faire un storyboard ?
Le travail d’écriture d’un scénario est une longue étape qui laisse votre film à un stade encore non palpable et ne donne pas d’image ni de rendu visuel. Chaque lecteur visualisera à sa façon un film tiré de ce texte. Vous avez donc écrit, vous avez en tête des images, mais si vous devez travailler en équipe, vous serez bien le(la) seul(e) à « visualiser » le rendu de votre film. Vous avez sans aucun doute l’âme d’un artiste ! Mais il y a peu de chances que vous ayez l’ensemble des plans importants en tête. Vous devez être sûr(e) de la cohérence dans la succession des plans. Vous devez avoir pleinement conscience des contraintes techniques qui surviendront pendant le tournage en suivant votre scénario.
Le storyboard s’inscrit dans le processus de préproduction, juste après le découpage technique qui est la description de chaque plan que vous tournerez à la caméra, indiquant :
- la scène,
- le numéro de plan,
- le lieu de l’histoire,
- la situation (jour/nuit/extérieur/intérieur),
- une description de l’action,
- des éventuels mouvements de caméra, les focales recherchées etc.
Le storyboard est une aide au tournage. Nous verrons qu’il sert aussi à d’autres intentions. L’objectif principal est donc le gain de temps pendant le tournage. Il vous permet d’avoir mis, de manière synthétique, en image votre film, vous confortant ainsi sur l’esprit de votre scénario et sa cohérence. Vous verrez rapidement s’il n’y a pas trop de contraintes techniques ou onéreuses. C’est par la même occasion un formidable outil de communication : les images parlent toujours plus qu’un texte qui pourrait subir différentes interprétations selon les lecteurs. Par ailleurs, se dire qu’un storyboard est forcément coûteux est une fausse affirmation. Il peut l’être… mais cela dépend de son objectif. Quelques cases, ou coups de crayon ne ruinent personne, tandis qu’une bande dessinée colorée et réaliste demande un gros travail.
Un storyboard pour qui ?
Pour VOUS !
Vous pourrez vous servir d’un storyboard pour vous aider à composer chaque plan de votre film. C’est la version visuelle de votre découpage technique… Il vous mettra les idées bien en place, car souvent les tournages ne se passent pas comme prévu, et il est facile de perdre le fil ! Le storyboard vous recadrera sans faille.
Bien évidemment, il n’est pas toujours nécessaire de storyboarder l’intégralité de vos plans. On peut se contenter des séquences importantes ou plus contraignantes. Avec les annotations que vous jugerez utiles, les choses à ne surtout pas oublier, les actions importantes, les raccords entre les plans… tout votre tournage vous semblera plus limpide. Il n’est pas nécessaire dans ce cas (en filmmaker indépendant) de vous lancer dans une oeuvre d’art. Des croquis avec les détails qui vous sont nécessaires suffisent amplement. Et n’ayez pas honte de dessiner des personnages en bâtons, et être loin de la réalité tant que la scène ou le plan sont bien décrits visuellement. Cela sert à comprendre, rien d’autre !
Pour VOTRE ÉQUIPE
Sur une production en équipe, les maîtres mots sont la coordination et la communication. Tout doit se passer sans hasard et sans ignorer le déroulement du tournage. Chaque membre de l’équipe pourra se servir du storyboard couplé au découpage technique pour être à l’aise à son poste, préparé aux contraintes techniques et situations à prévoir.
Pour l’image, le storyboard apportera aux cadreurs ou chefs opérateur l’esprit recherché par le réalisateur : les valeurs de plan, la composition des plans, la profondeur de champ recherchée, les focales, la lumière, et visuellement ce qui va se passer pour être prêt à shooter… Il précisera clairement et rapidement ce qui sera mis dans le cadre, comment ce sera tourné, et l’atmosphère générale du film par la même occasion. Pour d’autres personnes de l’équipe technique, le story-board sera le visuel esthétique recherché par le réalisateur : décors, maquillage, costumes, raccords… A ce stade, vous devrez produire un storyboard plus fini graphiquement, plus abouti qu’en travaillant en solo.
Pour VOTRE CLIENT
La perception d’un scénario à la lecture peut terriblement varier d’une personne à l’autre. Or, lorsque vous vendez un scénario pour votre client, il devient capital qu’il le visualise avant la moindre image produite, et de le faire rêver par votre créativité. C’est l’avant-goût de ce que vous lui livrerez. Ce n’est pas obligatoirement le déroulé de l’histoire : ce sont principalement des arrêts sur image qui donneront un avant-goût au client.
Un joli storyboard des scènes clés sera à ce niveau une plaquette vendeuse, sans forcément être annoté d’aspects techniques. À moins que vous n’ayez des talents de dessinateur, mieux vaut confier cette étape à un illustrateur, car là, c’est une jolie plaquette qu’il faudra réaliser, pour faire beau et donner envie !
Quand faire un storyboard ?
La première étape avant de produire quoi que ce soit, c’est d’écrire : pitch, synopsis, scénario. Puis on organise le tournage grâce au découpage technique, dans lequel seront décortiqués et organisés chacun des plans du film. C’est seulement avec ces informations couplées au scénario que le storyboard pourra être réalisé… Il ne peut pas se faire sans le réalisateur, qui est seul apte à décrire ce qu’il veut comme image et comme rendu.
Comment faire un storyboard ?
Il faudra que vous définissiez au préalable l’objectif de votre storyboard : une aide personnelle, un document de communication pour une équipe de techniciens, ou vendre votre idée à un client. Des outils existent pour vous faciliter la tâche, mais il n’existe aucun outil universel ni adapté à chacun d’entre vous. Si vous êtes déjà doué en dessin ou illustration, tout sera plus facile évidemment. Quoi qu’il en soit, les logiciels ne travailleront pas à votre place, et vous devrez soit déléguer cette tâche à une prestation auprès d’un illustrateur (ou pour le coup un storyboarder), soit passer du temps à maîtriser un logiciel, sans pour autant savoir dessiner !
Pour un usage personnel voire en petite équipe, je ne saurai trop vous conseiller le travail à l’ancienne, simple et efficace : du papier, un crayon ou un stylo et l’affaire est jouée. Vous ne perdez pas de temps à installer/maintenir un logiciel, cela ne vous coûtera rien, et vous attaquerez le boulot directement. Certes c’est moins fun, moins glamour, moins geek, mais on n’est pas là pour faire des selfies, on est là pour bosser ! Si vraiment vous êtes réfractaire au papier et à la vraie vie, alors des logiciels pourront vous sauver la vie.
Gratuit, papier, crayon…
Téléchargez ces documents, ou reproduisez-les vous-même dans Excel ou Word, sortez un stylo ou un crayon, et lancez-vous ! Cela ne plante pas, ne vous juge pas, ne nécessite aucune période d’apprentissage et se plie à vos exigences ! Des PDF que vous pouvez également intégrer dans Photoshop pour travailler en full numérique. Ajoutez simplement des textes, annotations, etc.
Gratuit, sur ordinateur, tablette nécessaire
C’est le cas de STORYBOARDER de Wonder Unit, un logiciel gratuit contrairement à beaucoup d’autres, mais plutôt efficace. À partir de STORYBOARDER, vous pourrez créer vos planches, ou les retravailler dans Photoshop, Premiere etc. Cependant, l’utilisation de ce logiciel est délicate sans tablette graphique (Wacom…). A la souris, vous ne serez capable que de dessins très simplistes. Ceci dit, cela peut être suffisant… mais inadapté pour un client.
Cette vidéo vous montrera en détail la prise en main et les possibilités de Storyboarder.
Payant et avec des fonctionnalités « pro »
Dans le même état d’esprit, Storyboard Pro 7 de Toon Boom a la même vocation mais sur abonnement (c’est la mode). Il intègre principalement une meilleure gestion du stylet (donc tablette obligatoire). A réserver pour un travail graphique manuel plus précis, et vraiment orienté dessin.
Du storyboard simpliste à l’oeuvre d’art : à vous de décider
Ajustez votre travail en fonction de vos exigences et de vos capacités. Si vous n’êtes pas illustrateur ou storyboarder, déléguez cette tâche. Ou bien contentez-vous de dessins simples et efficaces. L’essentiel étant de se constituer un bon outil que l’on maîtrise ! Souvent, les logiciels sont alléchants, mais demandent une gestion, un apprentissage et ne sont pas toujours pérennes. À moins de s’offrir les prestations d’un storyboarder pour produire de superbes planches, le papier et le dessin traditionnels resteront à mon avis toujours plus rapides et plus efficaces.