Sur les portraits réalisés par Reka Nyari, les femmes sont belles. Fortes. Intensément sensuelles. Ecorchées vives, parfois, aussi. Marquées à vie mais insoumises, émancipées. Vivantes. Libres. Dans une série intitulée Ink Stories qu’elle décline à l’envi, la photographe mi Finlandaise, mi Hongroise, mi New Yorkaise sublime le corps féminin pour mieux en explorer l’identité profonde.

Je veux que les femmes se sentent bien dans leur corps après avoir vu mon travail. Fortes, autonomes, et inspirées.

©Reka Nyari

Ses immenses portraits en noir et blanc sont exposés partout dans le monde, et ses photos publiées dans nombres de magazines prestigieux, Cosmopolitan, Vogue ou Vanity Fair… Un rêve devenu réalité donc, car d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Reka Nyari a toujours voulu être une artiste. Née en 1979 à Helsinki, d’une mère finlandaise et d’un père hongrois, elle a grandi entre deux pays, deux cultures, les films de David Lynch et ceux de Roman Polanski, les oeuvres de Cindy Sherman et Helmut Newton… Avant de débarquer à 17 ans, à New York, pour étudier à la School of Visual Arts. La peinture, tout d’abord, car la jeune étudiante se passionne d’abord pour les portraits grands formats photoréalistes, qu’elle réalise à la peinture à l’huile. 

LOST HIGHWAY

« Comme mes modèles ne pouvaient pas rester assis pendant des centaines d’heures, j’ai fini par prendre beaucoup de photos comme référence, et à aimer vraiment ça. Quand j’ai eu mon diplôme, j’ai continué à shooter, avec l’intention de peindre mes photos à une date ultérieure. Tout a changé quand un ami photographe reconnu dans le milieu a vu mes photos, et m’a demandé pourquoi je les peignais. Pour lui, mes photos étaient puissantes. Cela a tout changé. »

©Reka Nyari

Par la suite, elle joue un peu les mannequins, voyage beaucoup, puis retourne à New York en 2004. C’est là que sa carrière prend un nouvel essor : à l’époque, elle prend des photos de son petit ami musicien pour l’aider à promouvoir son album (« rapidement, sous la douche ») – le label les adore. « J’ai alors réalisé que la photo était plus qu’un passe-temps, et que je pouvais gagner ma vie avec. » 

©Reka Nyari

BELLE ET REBELLE

Reka Nyari se fait alors une place dans le (difficile) monde des photographes de mode ultra glamour, et multiplie depuis les collaborations avec nombre de marques de luxe. Mais ce qui retient aussi l’attention chez elle, ce sont ses travaux plus personnels… Des images bouillonnantes d’énergie, de sensualité, de pouvoir, d’affirmation de soi. Geisha Ink, puis Valkyrie Ink, Mother Ink, Reaper Ink… Des portraits de nus féminins, grand format, noir et blanc, dans lesquels le corps tatoué reflète l’âme meurtrie, la douleur, mais aussi la guérison, le pouvoir. L’encre sur le corps comme symbole de la renaissance de l’esprit. 

« J’ai toujours été fascinée par la façon dont nos corps racontent des histoires. Notre façon de marcher, nos cicatrices, notre posture et notre regard. Les tatouages ​​sont une histoire de vie visible. Les personnes que je photographie ne les considèrent pas comme des erreurs ou des regrets, mais comme des indicateurs visibles de la vie vécue, des obstacles qu’elles ont surmontés. J’aime la façon dont mes sujets ont pris en charge leur vie et se sont littéralement transformés en ce qu’ils veulent devenir. »

©Reka Nyari

TATOUE-MOI SUR TES SEINS 

Pour chacune de ces quatre femmes, les tatouages ont eu un effet cathartique qui a leur a permis de s’affirmer. De devenir. D’être. Et à travers son travail, Reka Nyari cherche à raconter l’histoire derrière l’encre, et montrer qu’une renaissance est possible. L’une s’est rebellée contre les valeurs ultra conservatrices de sa famille, l’autre contre les violences subies dans son enfance, sans oublier la mère nourricière, fière, libre et indépendante. Beauté sombre mêlée d’un soupçon de provocation…

©Reka Nyari

« Les gens me considèrent parfois comme un photographe érotique, ce qui ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Cela revient encore à l’idée fausse que nudité = sexe… Et le préjugé est tenace, particulièrement en Amérique, où un mamelon semble être pire que la violence et les armes à feu. Je me fais bannir régulièrement de Facebook. Le corps féminin est un tel tabou… 

Moi, je crois en l’émotion et l’expression brutes. Mon travail, c’est une manière de dire F*** à tous ceux qui nous disent quoi faire : que ce soit quoi faire avec notre corps, nos mamelons ou l’avortement. Eduquer les filles et les femmes du monde entier est la solution à tant de problèmes. Donner des options aux filles, les aider à réussir. J’espère qu’il y aura un avenir meilleur pour les femmes du monde entier. »

TECHNIQUE DE (SUR)VIE

Depuis toujours, Reka Nyari est une photographe très intuitive, qui fonctionne plus à l’instinct qu’à la pure technique. Avec elle, certains shootings sont purement impulsifs, alors que d’autres vont prendre des semaines ou des mois de préparation. Chaque projet a son propre mode de fonctionnement… Tout dépend du sujet, du thème, du but de la photo.

©Reka Nyari

« Je fais souvent des dessins, des recherches et des moodboards pour préparer mes prises de vues. J’utilise actuellement un Canon 5D Mark3 avec des objectifs Canon 85mm f/1.2,16-35mm f/2.8 et 70-200mm f/2.8. Mon dernier appareil avait été tellement trimballé – toute la peinture noire dessus a été enlevée – qu’il ressemblait à un appareil photo de zone de guerre ! Enfin, j’utilise Lightroom pour l’archivage et la sélection d’images… Et Adobe Photoshop CS6 pour l’édition de photos. En réalité, je ne suis pas une personne très technique. Je compte beaucoup sur mes sentiments, mon intuition et ma relation avec mes sujets. »

Alors à chaque shooting, cela donne environ 1000 images, dont la moitié environ est utilisable… « Cinq à dix sont bonnes… et si tout se passe bien, il y en a une incroyable. »

HISTOIRES D’A…

« Quand j’étais peintre, les gens disaient que je devrais être illustrateur parce que je racontais toujours des histoires. C’était vraiment important pour moi qu’un portrait de femme ne soit pas “juste” un portrait ; qu’il y ait un récit, et que l’on puisse imaginer un million de choses. Pour moi, le pire, quand on regarde mon travail, c’est que le spectateur ne ressente rien. S’il n’aime pas, c’est beaucoup mieux que de simplement dire « Oh, ok, c’est la photo d’un visage ». Je suppose que je veux juste raconter quelque chose de plus profond… » Reka Nyari , photographe-raconteuse-d’histoires, ça lui va plutôt bien, non ?

©Reka Nyari
©Reka Nyari

En savoir sur Reka Nyari : Site web / Facebook / Instagram 

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Auteur

Journaliste, Curieuse, Baroudeuse, Couteau Suisse. Passionnée par le cinéma, la littérature, la photographie et la contre-culture. Bref, lire, écrire et courir, mais pas les trois à la fois parce que ce n'est pas pratique.

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