J’ai eu la chance de tester les Alpha 7 de Sony dès leur sortie en 2013. J’avais été séduit par l’audace, la technologie embarquée et la miniaturisation de cette société japonaise reconnue pour ses qualités d’innovation. Sony est devenu le plus gros fabricant mondial de capteurs et c’est sans doute un de leurs atouts majeurs.

Dans l’industrie photo japonaise, il y a toujours eu deux camps : les opticiens et les électroniciens. Les opticiens ce sont Canon, Nikon, Olympus, Pentax, Minolta et Fujifilm. Les électroniciens sont essentiellement Sony et Panasonic. Après nous avoir fait saliver en 2008 avec le lancement du D70 (qui ne filmait qu’en 720p30) et le 5DMkII (en 1080 mais avec des limitations), les leaders du marché, Canon et Nikon, ont fait machine arrière sur la vidéo, avant de finalement suivre la tendance du marché.

Cette évolution vers l’hybride est inévitable puisqu’en 2019 les ventes des appareils photos hybrides vont certainement dépasser celles des reflex. Et le premier constructeur à avoir misé sur l’hybride « plein format », c’est-à-dire ayant un capteur 24 x 36 mm, est Sony. Pour réussir ce challenge il fallait que Sony gagne en légitimité coté optique et c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont d’abord signé un partenariat avec Zeiss et ont ensuite racheté la division photo de Minolta en 2006. Pour rappel Panasonic a créé une alliance avec Leica, l’autre grand opticien européen.

Les premiers hybrides 24×36

Revenons au concept des Alpha 7. L’idée de base est de créer un boîtier photo hybride avec une visée électronique et des fonctionnalités vidéo évoluées, en rupture avec les reflex façon Canon/Nikon. Sony a tout misé sur la construction d’un boîtier le plus compact et le plus léger possible autour de son capteur. Par opposition, un opticien comme Canon ou Nikon, conçoit ses appareils photo dans l’autre sens : d’abord le système optique, en commençant par la monture, et ensuite la gamme de boîtiers. Une grande partie des photographes habitués à la visée reflex ont encore beaucoup de mal avec la visée électronique. Il est vrai qu’elle n’était pas très qualitative au début. Ses viseurs vidéo n’étaient pas assez définis, l’image manquait souvent de contraste, avec un taux de rafraîchissement qui ne faisait pas envie. La fluidité de l’image dans le viseur est, à mon sens, un des critères essentiels d’un viseur électronique. A l’heure où j’écris ces lignes, la technologie des viseurs électroniques est pratiquement arrivée à maturité et les critères favorisant encore la visée claire sont de moins en moins évidents. Le premier argument de la visée électronique c’est qu’on peut voir ce que va donner son image en temps réel, à la prise de vue : exposition, couleurs, contrastes, mais aussi profondeur de champ. Pour rappel, la visée reflex vous montre l’image toujours au maximum de l’ouverture de l’objectif utilisé. En cas de photo dans des environnements très sombres ou en pause très longue, on n’y voit rien. Alors qu’un viseur électronique permet d’avoir une idée du cadre, par le procédé d’amplification du signal vidéo. 

Sony a lancé 3 Alpha 7, la version de base qui est le sujet de cet article et deux autres déclinaisons : une version « S » plus sensible et plus orientée vidéo/cinéma et une « R » plus orientée photo haute résolution. L’Alpha 7 est donc l’entrée de gamme des Alphas. Ce n’est pas pour autant un appareil qui fait des sacrifices sur sa fiche technique. Aujourd’hui le constructeur japonais vous propose plutôt de faire un choix. J’ai pour ma part un A7RII depuis 3 ans et si à l’époque j’avais craqué pour sa très haute résolution, je me dit souvent que c’est trop. Chacune des photos issues de ces capteurs à la résolution de 42 Mp fait plus de 85 Mo : il faut forcément deux fois plus de place qu’avec un capteur de 24 Mp. Est-ce toujours indispensable ? Je n’en suis pas certain. Pour faire des tirages de très grands formats et si vous voulez pouvoir recarder à outrance, sinon ce n’est à mon avis pas indispensable. Encore une fois, c’est une affaire de choix en fonction de vos usages. Si vous avez une utilisation vraiment hybride photo/vidéo et que vous ne faites pas de tirages papiers en 4X3, les 24 Mp suffisent largement.

La troisième génération Alpha 7

Vous vous posez surement la question : qu’apporte cette troisième évolution des Alpha 7 par rapport à ses prédécesseurs ? Tout simplement du mieux à tous les niveaux. Les principales caractéristiques techniques qui m’ont interpellées sur cet Alpha 7 Mark III sont la qualité de son autofocus et l’augmentation de son autonomie, tous deux hérités du grand frère Alpha 9. La nouvelle batterie NP-FZ1000 de 2 280 mAh est très endurante. C’est un grand soulagement car les éditions précédentes (A7 et A7II) nécessitaient de partir avec une brouette de batteries pour pouvoir tenir la journée, surtout en cas d’utilisation vidéo. Sony annonce 710 photos avec l’écran, 610 avec le viseur. Ce sont des données constructeurs, j’ai fait parfois plus, parfois moins. L’Autofocus, baptisé AF4D, fait des miracles : 693 points de mise au point à détection de phase et 425 points de mise au point à détection de contraste, une couverture de champ de 93 %. C’est alléchant sur le papier mais pas que : c’est un des autofocus les plus efficaces que j’ai pu tester, aussi bien en photo qu’en vidéo.

Capteur et qualité d’image

Un des points forts pour moi de cet A7III est l’évolution de la colorimétrie, le fameux « color science » de Sony a évolué dans le bon sens. J‘ai noté une nette amélioration de la colorimétrie de cet A7III, en comparaison avec les précédentes générations. Les Jpeg directs sont désormais de bonne qualité, c’est ce qui faisait défaut à ces boîtiers je pense. Les jpeg directs n’étaient pas très bons et il fallait passer un peu de temps pour avoir des couleurs pleinement satisfaisantes dans son logiciel de post-traitement préféré, pour rivaliser avec Canon, Nikon ou encore Fujifilm (qui est pour moi un des maîtres du Jpeg direct). C’est notamment sur les carnations que cet A7III affiche une évolution notable. Cette évolution se ressent aussi dans le rendu vidéo. Pour le moment, pas de grande nouveauté coté vidéo, mis à part cet autofocus qui est vraiment excellent. Il n’y a pas de résolution 4K DCI en 4096×2160 par exemple et pas non plus de ralentis super excitants, puisqu’on atteint tout juste les 120i/s en 1080p. Pas non plus de 10 bits ni sur l’enregistrement interne ni sur la sortie HDMI. Je n’ai pas l’impression que Sony soit dans l’envie de bouger sur ces critères. C’est pour le moment la chasse gardée de Panasonic avec les GH et le Lumix S1 ou de Fujifilm avec le X-T3. Certes la quantification 8 bits est suffisante pour la plupart des usages mais le champ des possibles offert par les 10 bits surtout en utilisation avec le SLog apporterait un vrai plus, pour les vidéastes les plus exigeants.

Cet Alpha 7 III est sans doute un des grands champions de la haute sensibilité, Sony est devenu maître en la matière. Il va plus loin que le A7SII qui était jusque-là, la référence absolue. En photo comme en vidéo c’est nickel jusqu’à 6400 ISO et parfaitement utilisable jusqu’à 12800. Avec un peu de post-traitement sur le bruit avec l’excellent DXO Photo Lab, par exemple en photo, ou NeatVideo, en vidéo, on peut monter à 25 000 ISO en acceptant de perdre un peu de détails dans l’image.

L’ergonomie

Côté ergonomie, il n’y a pas vraiment de différences majeures par rapport à la version précédente mis à part la position du bouton « rec » (pour déclencher l’enregistrement vidéo), qui a été positionné à un emplacement lui permettant enfin d’être exploité ! La forme du boîtier est similaire à celle du A7RIII avec l’apparition d’un joystick assez pratique pour faire bouger le collimateur de l’autofocus. Le double slot SD est plutôt fonctionnel mais seul un des slots est compatible avec les cartes rapides répondant à la norme UHS-II, c’est bien dommage. Le viseur est d’une qualité satisfaisante mais moins défini que les A7RII et A9. ces derniers font appel à un module Oled de 3,6 Mp, alors qu’ici on se contente de 2,3 Mp. C’est à mon avis insuffisant pour rassurer les amoureux de la visée reflex.

L’écran tactile n’est malheureusement pas utilisable pour naviguer dans les menus. Au chapitre des regrets, j’ai noté aussi que l’ergonomie logicielle est toujours aussi confuse. Il n’est pas rare de se perdre dans les menus, sous-menus et autres préférences, pour aller régler un paramètre tout simple. Certes, le boîtier est totalement personnalisable et l’utilisateur pourra programmer les fonctionnalités de chacun des boutons à sa guise, mais la logique de ces menus m’échappe ! Il serait peut être temps de demander aux utilisateurs ce qu’ils en pensent. Après c’est un des gros points forts de Sony aussi : pouvoir aller très loin dans les réglages de la colorimétrie notamment en vidéo.

Le 24 mm G-Master f/1.4

11 lamelles pour un bokeh tout rond !

Pour mon dernier test avec cet Alpha 7 III j’ai eu la chance de tester le 24 mm f/1.4 G-Master,  c’est la onzième optique que Sony sort dans cette gamme. J’ai été vraiment séduit ! Sony a appris à faire des optiques de grande qualité : piqué, bokeh, colorimétrie, contraste, déformation, sincèrement c’est du très haut niveau. En plus, cette optique s’offre le luxe d’être assez légère et plutôt compacte pour un objectif couvrant les capteur 24×36 mm. La construction optique est de très haute volée : 13 éléments répartis sur 10 groupes, 3 éléments en verre ED pour le traitement des aberrations chromatiques, plus 2 lentilles XA (eXtreme Aspherical) dont le rôle est de supprimer le « flare sagittal » et d’offrir une qualité constante du centre jusqu’aux bords de l’image. Ce 24 mm f/1.4 GM  est aussi doté d’un traitement anti-reflet Nano, destiné à éradiquer le flare ainsi que les images fantômes. Et il bénéficie enfin d’un traitement à base de fluor sur la lentille frontale pour une protection plus efficace contre les traces de doigts ou d’eau. Son design est résistant à la poussière et l’humidité mais peut-on néanmoins parler d’une vraie tropicalisation ? Je ne sais pas, c’est à mon sens un des domaines où Sony à une vraie marge de progression pour séduire les photographes professionnels les plus exigeants. Tous ces termes techniques ne sont pas très excitants mais j’ai pu constater sur le terrain que le résultat était juste incroyable ! Je me suis amusé à faire des photos à pleine ouverture pour voir ce que ça donnait et j’en suis très satisfait.

Un bokeh impressionnant sur un 24 mm

Le bokeh lié à l’utilisation de 11 lamelles dans le diaphragme est d’une crémosité incroyable ! C’est la garantie d’un cercle quasiment parfait sur le diaph. C’est plutôt rare d’avoir une aussi grande ouverture sur un grand angle comme celui-ci. En général les photographes, privilégient la faible profondeur de champ et donc les grandes ouvertures dans les objectifs de focale supérieure à 35 voir 50 mm. Sigma avait lancé aussi un 24 mm à grande ouverture qui avait surpris.  J’adore le format 24×36 mm mais je privilégie souvent les appareils à capteurs plus petits, comme le Micro 4/3 ou l’APS-C, car j’aime voyager léger. Avec ce genre d’objectifs je suis comblé, tant par la qualité que par le coté pratique, avec un poids plutôt contenu et un encombrement modéré. Si vous aimez les grands angles, cet objectif comblera vos attentes. Les objectifs de la gamme G-Master sont vraiment d’une grande qualité optique. J’ai eu l’occasion de tester le 85 mm f/1.4, qui est, lui aussi, excellent.

En conclusion, je pense qu’avec cette troisième évolution, l’Alpha 7 arrive à maturité, avec des fonctionnalités de très haut niveau, qui n’ont désormais plus rien à envier aux reflex haut-de-gamme. Cela fait de ce boîtier un outil redoutable pour les photographes comme pour les vidéastes. Sony est un peu à la traîne sur la sortie du A7SIII, verra-t-il le jour ? Je me pose la question car l’A7III est au final un excellent compromis pour les utilisateurs qui, comme moi, pratiquent autant l’image fixe que l’image animée. Malgré ses qualités en dynamique et en sensibilité, les 12 Mp de l’A7SII  me laissaient un peu sur ma faim pour un usage orienté photo. Les 24Mp de cet A7III sont suffisants pour la majeure partie de mes travaux photo et vidéo. Ce qui me conduit à la question suivante : cet Alpha 7 III n’est-il pas l’outil ultime du moment ?

Avatar de Emmanuel Pampuri
Auteur

Photographe, réalisateur touche à tout, passionné par les nouvelles technologies et celles qui sont liées à la création audiovisuelle en particulier. Je fais de la photo depuis l'âge de 8 ans. J'ai réalisé plus d'une centaine d'heures de programmes de captation de spectacles vivants, de concert, de clips, de documentaires, de pub et d'autres choses encore. J'ai aussi produit, j'anime une chaîne YouTube et un blog, j'enseigne, je travaille comme consultant et beta testeur pour les fabricants de caméras. Une vie bien remplie, riche d'expériences, de rencontres et de création !

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