Monopode? Position du corps? Stabilisateur? - Publié par
Rémi Besserre (Photographe) le 14/12/2013
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J'avais promis un avis plus "philosophique" sur les monopodes à l'ère des stabilisateurs, le voici.
Que demande-t'on à un monopode ?
Stabilité, faibles poids et encombrement, ergonomie, discrétion dans une tribune de presse ou tout autre lieu encombré.
La discrétion demeure quand le tripode gène les voisins et se fait bousculer. Ou risque de provoquer un accident.
Les faibles poids et encombrements sont améliorés par les réalisations en fibres de carbone, et ne posent plus problème de poids lorsqu'un sac emporte entre 6 et 12 Kg de matériel.
La véritable question est de savoir si le monopode a encore une utilité depuis la généralisation des stabilisateurs.
Un monopode, selon la manière dont il est tenu, fait gagner deux à trois vitesses. Un stabilisateur, suivant sa qualité, une de plus. Avantage au stabilisateur.
Je continue néanmoins à utiliser la combinaison monopode et stabilisateur. Pourquoi?
Pas uniquement pour un gain de 6 vitesses. Il y a des situations où il faut encore travailler sur trépied.
Mais parce que le monopode, surtout bien tenu, présente un second intérêt: celui de bloquer un cadrage précis. Il est connu que cadrer consiste à virer du viseur tout ce qui n'a rien à y faire, et le cadrage à main levée est un piège à intrus, pas vus mais pris, en bord de cadre. Si l'opérateur ne doit pas bouger pour cadrer avec précision, il a intérêt à poser son matériel sur un support qui complète la stabilité corporelle.
Ce n'est pas le lieu de rappeler qu'il existe des positions "de tireur d'élite" permettant de rendre son corps très stable. Par exemple, un genou en terre, l'autre servant d'appui au bras, surtout pas au coude, qui supporte le télé. C'est plus stable que le "garde à vous", mais on peut faire mieux.
C'est là qu'intervient le monopode: il accroit la stabilité du matériel déjà bien tenu.
Cet effet sera d'autant mieux perçu que le pied n'est pas à la verticale, devant le photographe. On peut stabiliser un monopole en se "couchant dessus" ou par la gestuelle inverse.
En se couchant dessus, manière de s'exprimer : le pied est planté au sol en arrière des pieds du photographe; il passe par son entrejambe où il trouve un deuxième point d'appui; et, la tête contre le viseur d'un boitier tenu de main ferme, il trouve un troisième point d'appui. Le tout étant incliné justifie l'usage d'une rotule, mais c'est extrêmement stable.
En position inverse, l'entre jambes n'est plus partie prenante. Le pied est au sol loin devant les pieds du photographe, et il vient à la rencontre de son visage (et de ses mains). Seulement deux points de stabilité, mais c'est stable tout de même. Le pied doit être rigide.
C'est ainsi que j'ai sauvé quelques cadrages, dont le bord était menacé, à main levée, au moindre mouvement de ma part, par des intrus. Selon ma façon de travailler, le problème se pose avec les longues focales, lorsqu'on tient à découper au bistouri son cadrage en évitant des intrus marginaux; et à l'autre extrême, avec un très grand angulaire (rarement stabilisé), avec lequel les premiers intrus sont ses propres pieds et sa propre ombre portée.
On voit donc que l'utilité du monopode demeure mais s'est modifiée.
Jadis, il s'agissait de gagner en stabilité pour descendre les vitesses sans bougé. Les stabilisateurs font ça très bien sauf sur les objectifs qui n'en ont pas ( ! ). Et sont des sources de pannes...
Aujourd'hui, il s'agit de stabiliser un cadrage "au bistouri" sans s'ennuyer avec un trépied. Et pour cela, le monopode donne, pour une réelle ergonomie s'il est léger, une stabilité que seul un support naturel et aléatoire pourrait donner. On promène son vieux mur en ruines avec soi.
En conclusion, dans ma pratique personnelle, je persiste à promener un monopode. D'autres n'entendent pas une prise de vue rigoureuse sans trépied, leurs photos sont bonnes donc ils ont raison. Il s'agit d'un matériel qui doit être adapté à une façon de travailler. Personnellement, j'aime la liberté de mouvement que confère la prise de vue à main levée. Lors de poses nocturnes de 30" à 3', c'est évidemment le trépied qui sort du formol.
La fibre de carbone rend une place qu'il avait perdue à cet accessoire discret.
Mais comme il y a toutes sortes de façons de travailler, des avis contraires vont certainement s'exprimer. Ils y sont même invités. Je les lirai avec intérêt.
Amitiés
Rémi
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