
Prix, poids, ouverture et focale, comment choisir l’objectif idéal ?
S’il existe plusieurs types de photographes, ils se rangent souvent dans deux catégories : amateurs de portraits ou de paysages. Souvent, on reconnaît cette distinction jusque dans la personnalité de l’artiste. Les amoureux du paysage aiment se perdre dans les grands espaces. Les amateurs de portraits, quant à eux, vivent du contact avec les autres. Lorsque leurs clichés sont réussis, on y ressent une proximité avec le sujet. Après tout, faire du portrait, qu’il soit posé au volé, c’est aller à la rencontre de l’autre.
Avant même d’aborder la question des optiques, certains se demandent quel type d’appareil photo conviendrait pour faire du portrait. J’opterais pour celui qui a le plus gros capteur possible. Sans aller jusqu’au moyen format Hasselblad, l’idéal reste le capteur plein format aussi appelé « full frame », suivi de l’APS-C, dont les capteurs mesurent 24 x 36 mm et 25,1 x 16,7 mm respectivement.
Un plus gros capteur impose une plus grande focale sur le boîtier car ils sont proportionnels l’un par rapport à l’autre. La longueur focale influencera directement un phénomène optique très important : la profondeur de champ. Lorsqu’il s’agit de composer des portraits, nous la préférons faible car un arrière-plan flou mettra d’autant plus en valeur un sujet net.
Une faible profondeur de champ amenée par une longue focale confère aussi une texture artistique à l’environnement. Les grandes ouvertures de diaphragme (f/1.4, f/2, f/2.8…) travaillent aussi dans le même sens en produisant des flous spectaculaires, désignés par le terme « bokeh » (bo-ké).

L’échelle réduite des hybrides Lumix et Olympus, par exemple, impose des plus petites focales qui augmentent automatiquement la profondeur de champ, et donc rend plus difficile cette recherche du bokeh parfait.
Les deux critères principaux d’un objectif pour réussir ses portraits sont alors longueur focale (55, 85 et 135 mm, par exemple) et ouverture de diaphragme maximale.
Zoom ou focale fixe ?
L’avantage principal de la focale fixe (50 mm, 85 mm, par exemple) est de pouvoir atteindre des ouvertures maximales plus grandes que les zooms. Les longueurs variables des zooms (18-135 mm ou 75-300 mm) imposent une perte automatique de lumière. Une excellente focale fixe ouvre souvent jusqu’à f/1.4 ou f/2, alors qu’un zoom standard comme le 18-55 mm (inclus dans le kit de nombreux APN) n’ouvre qu’à f/5.6 sur sa focale la plus longue. Pour illustrer cette perte de lumière, à f/5.6 on a 8 fois moins de lumière qu’à f/2. C’est comme si on passait de 200 ISO à 1600 ISO ! Naturellement, cette plus grande ouverture se traduit aussi par un bokeh plus prononcé.
50 mm f/1.8 : pour les débutants ou les petits budgets
Les 50 mm sont parmi les objectifs les moins chers, ce qui n’enlève rien à leur qualité. Comme ils imitent la perspective perçue par la vision humaine, ils restent faciles à fabriquer. La version ouvrant à f/1.8 atteint des résultats respectables. En fermant un peu le diaphragme, on peut gagner en piqué pour accroître la qualité de l’image, car tout objectif perd un peu ses qualités de netteté lorsque son diaphragme est grand ouvert. Il y a aussi un effet de vignettage qui apparaît, mais ce défaut produit un effet intéressant : en obscurcissant les coins de l’image on y concentre davantage le regard vers le centre. Pour moi, le 50 mm est le joker que tout le monde devrait avoir dans son sac photo. Il est petit, utile et pas cher.
85 mm f/1.4 : mon premier amour
Jadis, on vantait les qualités optiques du Nikon 85 mm f/1.4 D, dont l’énorme ouverture permettait de photographier quasiment partout quand on n’osait pas monter en ISO. La qualité des éléments optiques était exceptionnelle.
Depuis, la version du même objectif produite par Sony a fait beaucoup de bruit pour s’emparer du trône du meilleur 85 mm. Il n’en reste que ces objectifs demandent un investissement financier de 1000 à 2000 euros, pour profiter de leurs sublimes résultats.

Le 85 mm figure encore parmi mes objectifs fétiches pour son sublime bokeh et l’aspect presque onirique de leur image. Il permet aussi une proximité entre photographe et sujet, si importante au développement d’une dynamique entre l’artiste et sa muse.
Pour ne pas anéantir ses économies, on peut aussi opter pour les versions f/1.8 du 85 mm qui coûtent autour de 500 euros et produisent un joli bokeh sans trop de perte de lumière.
Yanique Francis, 105mm f/5
105 mm, l’objectif fétiche des portraitistes (et la possibilité macro !)
Traditionnellement, les 105 mm ont séduit de nombreux portraitistes, permettant de diffuser davantage le flou avec ses 20 mm de plus que le 85 mm. Avant, leurs ouvertures plafonnaient à f/2 ou f/2.8, mais Nikon, Sony et Sigma se sont récemment lancés dans la course au titre du « bokeh monster » en produisant des versions f/1.4 de ces objectifs. Attention au gabarit imposant par contre : ils pèsent entre 1 et 1,5 kg !
Par ailleurs, plusieurs versions du 105 mm ouvrant à f/2.8 sont calibrées pour la macro photographie. Si vous êtes fan de détails, de textures, d’insectes ou de très gros plans (sur les yeux, par exemple), le 105 mm devient un objectif très important et polyvalent.
135 mm : la frontière des optiques de portrait
Canon produit un modèle de 135 mm ouvrant à f/2, Sony et Sigma proposent des 135 mm f/1.8. Ces millimètres de plus servent à davantage accentuer le flou, ou bien à permettre de se rapprocher du sujet. Les amateurs de spectacles et de concerts apprécieront cet objectif pour les sujets qui se tiennent un peu plus loin.

Nombreux sont ceux qui utilisent le 70-200 mm sur ses focales longues pour encore plus compresser la perspective derrière le sujet, un effet d’optique également intéressant qui s’accentue lorsque la longueur focale augmente. Quant à moi, je m’arrête à cette distance. Certes, j’en connais qui se rueront sur des 300 ou 400 mm f/2.8 pour encore plus flouter les arrière-plans, mais mis à part le prix (6000 à 12 000 euros), l’autre contrainte de ces focales est d’imposer des distances trop importantes entre photographe et sujet.
Certes, derrière, ce sera flou. Mais il y a flou et flou. A 400 mm, une forêt peut devenir une pancarte verte vide de texture.

Ensuite, votre séance photo risque de ressembler à cela :
Photographe (criant) : Tu peux tourner la tête un peu vers la gauche ?
Sujet (criant) : Hein ?
A 400 mm, l’intimité si importante pour gagner la confiance de son sujet et en capter les regards se dissipe. C’est plutôt une focale de paparazzo, un métier bien différent de celui du portraitiste.
Et le grand angle dans tout ça ?
Le grand angle est bien l’exception qui confirme la règle. En dessous de 50 mm, le champ de vision s’élargit mais entraîne une déformation de l’image. Cette distorsion, notamment présente sur les bords du cadre, doit être finement maîtrisée et orientée par une esthétique réfléchie et justifiée.
Le 35 mm est traditionnellement la focale du reporter qui a besoin d’intégrer l’environnement pour donner un sens à son sujet. Utilisé convenablement, il déforme peu.
Plus court, la distorsion augmente considérablement. L’avantage, par contre, est d’accentuer la proximité avec le sujet. Certains en ont fait leur spécialité. Lee Jeffries par exemple, travaille exclusivement au 24 mm.
Par ailleurs, le grand-angle augmente la profondeur de champ que les portraitistes essaient souvent d’éviter. Bref, pour briser les règles, il faut les connaître. Maîtrisez le téléobjectif ou le 50 mm avant de vous lancer dans le portrait aux focales courtes pour voir si cette esthétique correspond à ce qu’exprime votre sujet.
Économiser avec des objectifs à mise au point manuelle
Certaines marques comme Samyang proposent des objectifs à petit budget en omettant une fonction importante : l’autofocus. On peut presque s’en passer avec les nouveaux hybrides (Sony alpha, Nikon Z, Canon R) et leur fonction de « focus peaking ».
Aussi appelée « intensification », cette fonction surligne en blanc, jaune ou rouge les éléments nets dans le viseur pour s’assurer que la mise au point est bien sur les yeux du sujet, par exemple, au lieu de ses lunettes ou sa tempe. Une différence parfois cruciale qui vous évitera des surprises en visionnant votre séance photo sur votre écran 4K…
On peut ainsi ressusciter d’anciens objectifs, encore disponibles d’occasion et les monter sur son dernier Sony Alpha 7, par exemple.
Une pléthore de possibilités
Si ces options n’ont fait qu’accroître vos dilemmes, considérez la chose suivante : on renouvelle son style avec le temps. Un des plaisirs de la photographie reste l’expérimentation. Picasso avait sa période bleue, Chagall avait ses années russes… La clef est de connaître son matériel à fond pour aller au bout de ce qu’il peut faire.
Ainsi, vous pouvez avoir votre période 85 mm, pour ensuite décider de faire des portraits avec des contrastes flou-net encore plus intenses au 135 mm, pour décider de revenir au 55 mm f/1.8 ou 58 mm f/1.4 parce ce que vous recherchez plus de proximité avec le modèle. Ces différences marqueront vos images et illustreront différemment le rapport que vous avez avec le sujet, et celui qu’il a avec son environnement.
1 Commentaire
Bonjour,
Vous soulevez un point très important dans votre article concernant les 105mm.
(Si vous êtes fan de détails, de textures, d’insectes ou de très gros plans (sur les yeux, par exemple), le 105 mm…..)
Et oui en dehors de cet usage le 105Macro n’est pas une optique à portrait contrairement a ce que beaucoup pense ou essais de le faire croire en commençant par les constructeurs eux mêmes.
Cette manie de faire du Macro à tors et à travers en précisant « spécial portrait » est une supercherie. Difficile de trouver un 100 ou 105mm qui n’est pas Macro de nos jours. Heureusement il reste le EF 100 f/2 de chez canon qui est un bijoux.
Bel article cela-dit.