Dès qu’il s’agit du droit à l’image, difficile de faire le tri du vrai et du faux au risque de voir la confusion s’installer dans l’esprit du photographe. Dans cet article nous allons faire un point sur la notion du droit à l’image et son champ d’application afin que plus jamais vous ne doutiez de votre bon droit à photographier.

Droit à l'image : ouverture.
Photo : r.classen / Shutterstock.

Il semble bon de rappeler la différence entre le droit d’auteur et le droit à l’image. Le premier est régi par le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) qui définit et protège le créateur d’une œuvre : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous […] » et le second est une construction jurisprudentielle, c’est-à-dire le fruit de l’ensemble des décisions rendues par les tribunaux sur cette question, à savoir que « chacun […] dispose d’un droit exclusif et absolu sur son image, attribut de personnalité l’autorisant à s’opposer à son utilisation ».

La question qui nous intéresse ici n’est pas le droit qu’on possède sur l’image créée, mais où commence et s’arrête le droit à l’image des personnes photographiées et inversement ainsi que les limites de notre droit de photographier et de diffuser l’image de personnes avec ou sans autorisation de leur part.

Rappel de base

Pour bien faire, il faut commencer par rappeler que vous n’êtes pas autorisés à photographier n’importe qui et n’importe quoi en tout lieu et toute circonstance.

Tout dépend de l’endroit où vous photographiez : un espace public ou un lieu privé. Mais aussi, de si vous photographiez des biens ou des personnes associés à un contexte de prise de vue, à un type de cadrage, etc.

Cependant, au-delà de toutes ces conditions, l’application du droit à l’image dépendra de la diffusion de la photo et du type de diffusion.

Même si dans certains cas l’autorisation de la personne n’est pas nécessaire, si vous avez peur d’avoir des problèmes, vous pouvez préparer des modèles d’autorisation de prise de vue et de diffusion que vous n’aurez plus qu’à faire signer par la suite si la personne est d’accord.

Cette autorisation répond à quelques obligations contractuelles. Elle doit être rédigée par écrit et définir précisément le contexte de prise de vue (date et lieu), mais surtout définir les conditions d’utilisation des photos : les supports prévus, durée d’exploitation, le territoire géographique d’exploitation (France, Monde, etc.), le nombre d’exemplaires, etc. Tout ce qui n’est pas défini dans le présent contrat ne sera pas autorisé, du moins pas sans un nouveau contrat.

Lors d’une séance photo organisée

Que ça soit dans le cadre d’une séance de portraits, pour un mariage ou un événement d’entreprise, au moment de la signature du contrat, vous pouvez en profiter pour demander et établir une autorisation de diffusion en pensant bien à stipuler lesdites conditions, que ça soit pour enrichir votre book, votre site internet ou toute forme de communication sur votre activité, mais aussi si vous souhaitez réaliser des tirages, éditer un livre ou avoir une utilisation commerciale.

C’est la situation la plus simple, car vous avez un lien direct avec la personne au moment de la prise de vue. De plus, il sera facile de contacter la personne par la suite afin de lui proposer une autorisation de diffusion plus large si nécessaire. Par exemple, si vous organisez une exposition avec vente de tirage.

Dans tous les cas, si la personne est mineur ou un incapable majeur, c’est-à-dire une « personne qui se trouve dans l’incapacité d’exercer pleinement ses droits, responsabilités et actions et qui fait l’objet d’une mesure de protection qui a été préalablement décidée par la justice », l’autorisation doit être obtenue par son représentant légal, soit le(s) parent(s) titulaire(s) de l’autorité parentale, soit son tuteur/curateur.

Droit à l'image : exposition.
Photo : Tinxi / Shutterstock.

Sur la voie publique

Il est bon de différencier les lieux publics, des lieux ouverts au public. Les lieux publics sont par exemple : la rue, une plage publique, un espace naturel, les parcs municipaux, etc.

Dans les lieux publics, la prise de vue est autorisée sans restriction sauf si elle cause un trouble à l’ordre public ou une entrave à la circulation. Le droit à l’image n’intervenant pas à la prise de vue, mais à la publication, vous pouvez donc photographier en toute sérénité sans autorisation tant que vous ne diffusez pas les images. Attention, la publication sur les réseaux sociaux est considérée comme une forme de publication au même titre qu’un livre, un journal, etc.

En pratique, peu de personnes connaissent cette nuance et vous pouvez toujours vous confronter à une personne qui refusera d’être photographiée dans la rue. Face à cette situation, vous pouvez toujours tenter d’expliquer, donner votre carte de visite voire proposer un tirage en retour. Face à une opposition ferme, il est parfois impossible de s’entendre et vous devrez vous résoudre à ne jamais publier la photo sans autorisation. Dans tous les cas, la personne ne peut vous forcer à supprimer la photo.

Droit à l'image : rue.
Photo : Eo naya / Shutterstock.

Mais dans quels cas peut-on publier une photo prise dans un lieu public sans autorisation ?

La première des règles fait appel au bon sens puisqu’il faut éviter de publier toute photo peu flatteuse ou qui pourrait nuire à l’image de la personne. Demandez-vous simplement si vous apprécierez d’être à sa place. Si ce n’est pas le cas, vous portez surement atteinte à la dignité de la personne et donc le droit à l’image s’applique.

On entend souvent qu’à partir du moment où la personne se reconnaît sur la photo le droit à l’image s’applique. Cette idée reçue est en partie fausse depuis la jurisprudence de 2008 qui stipule que pour qu’une personne puisse faire interdire la publication d’une photo, il faut qu’elle prouve le préjudice subi. Le simple fait que la personne se reconnaisse sur le cliché ne suffit pas. En effet, il existe plusieurs types de situations où la publication d’une photo ne requiert pas d’autorisation préalable.

  • Lorsque la personne n’est pas reconnaissable sur la photo : si la personne en premier plan n’est pas identifiable, parce que de dos, à contre-jour ou recouvert d’un cache effectif ou réellement brouillé, ou en second plan, l’objet du cliché étant ailleurs, alors le droit à l’image ne s’applique pas ;
  • La personne identifiable n’est que l’accessoire de la photo : c’est-à-dire qu’elle n’est pas individualisée, mais dans une foule, comme dans un lieu public fréquenté, lors d’une scène de rue ou de groupe, tant que le groupe est réuni pour une raison étrangère à la vie privée et familiale ;
  • Lors d’un événement d’actualité : le droit à l’information prime à condition que l’image soit en lien direct avec le fait traité et à un moment suffisamment proche de celui-ci dans le temps. De même, la légende qui accompagne la photo doit être cohérente avec le sujet traité et respectueuse de la personne. Une photo d’un étudiant reconnaissable en pleure pour illustrer un article sur l’échec scolaire peut porter préjudice à la personne, dans ce cas le droit à l’information est outrepassé ;
  • Le consentement tacite : c’est le cas lorsque la personne photographiée est parfaitement consciente de l’être et ne s’y oppose pas, voire favorise cette captation, sans en ignorer la diffusion. Ce consentement tacite se définit par le comportement de la personne face à la prise de vue, mais sa justification peut parfois être difficile à prouver et la limite de son autorisation complexe à définir.

Toute autre forme de publication non autorisée tombe sous le coup du droit à l’image et, peu importe la situation, à la différence de l’exploitation éditoriale, toute utilisation commerciale nécessite l’autorisation de la personne.

Droit à l'image : foule.
Photo : Jan von Uxkull-Gyllenband / Shutterstock.

Dans un lieu privé

À l’inverse, toute prise de vue dans un lieu privé, même ouvert au public, doit faire l’objet d’une autorisation. Le propriétaire des lieux peut vous interdire la prise de vue ou l’autoriser avec limitation. C’est le cas dans les musées où les photos sont autorisées, mais sans flash. De même certains jardins ouverts au public sont en fait des lieux privés régis par leurs propres règlements ; c’est le cas du jardin du Luxembourg à Paris qui est la propriété du Sénat et où s’applique des restrictions à la prise de vue.

De même, il faut différencier l’endroit où se trouve la personne ou l’objet photographié de l’endroit où se trouve le photographe. En effet, en photographiant depuis la rue une personne qui bronze dans son jardin, vous pourriez vous défendre en disant avoir photographié depuis la voie publique or, c’est le sujet de la photographie qui fait l’objet du droit à l’image. En l’occurrence, la personne qui bronze dans son jardin, donc dans un lieu privé. Il y aurait alors atteint à la vie privée, l’article 226-1 du Code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ce type de délit.

Droit à l'image : interdiction.
Photo : Anna Olortegui / Shutterstock.

Le cas particulier de l’image des biens

Depuis l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 mai 2004, « le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci », il n’est alors pratiquement plus nécessaire de demander l’autorisation du propriétaire pour utiliser publiquement l’image d’un bien, du moins tant qu’il n’y a pas d’atteint à sa vie privée.

Il existe cependant un flou juridique sur la question des animaux. Jusqu’au 16 février 2015, le législateur ne différencie que les humains et les choses. Les animaux étant considérés comme des meubles, le droit à l’image des biens était appliqué. Depuis cette date, les animaux sont considérés comme « des êtres doués de sensibilité », mais le nouvel article 515-14 du Code civil prend soin d’en limiter les effets : « sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ».

Si le flou règne parfois, rien ne vous empêche de prendre en photo des animaux en demandant l’autorisation au maître, ou selon les mêmes critères de non-individualisation que pour les personnes, excepté l’autorisation tacite qui semble difficile à défendre. Dans tous les cas, si vous prenez en photo, publiez ou vendez l’image d’un animal, prenez vos précautions surtout lorsqu’il s’agit d’animaux de concours, de course ou dans des zoos.

Droit à l'image : bien privé.
Photo : olrat / Shutterstock.

Conclusion

Bien plus complexe et spécifique selon les situations, vous avez déjà les bases pour comprendre le principe du droit à l’image. Mis à part en cas d’atteint à la vie privée ou à la dignité, le droit à l’image ne s’applique qu’au moment de la diffusion d’une photo. Dans un lieu public, personne ne peut s’opposer à la prise de vue. Cependant, une personne peut ne pas vouloir être diffusée sans autorisation signée. Ceci excepté pour les photos qui concernent un événement d’actualité ou si la personne n’est pas individualisée ou reconnaissable. Dans tous les autres cas, l’autorisation de la personne est obligatoire.

Avatar de Lucien de MissNumerique
Auteur

Photographe, auteur et formateur. Il est un grand spécialiste de l'industrie de l'image. La photo et la vidéo n'ont pas de secret pour lui.

2 Commentaires

  1. Avatar de Lucien de MissNumerique
    Richard Chapuis Répondre

    Bonjour je fais du reportage pour une compagnie de sauvetage par hélicoptère et j’ai toujours le même soucis … le blessé à très souvent un casque et des lunettes, il n’est donc pas facilement reconnaissable sauf par lui ou ses proches car ils savent ce qui lui est arrivé … il fait partie d’une scène où il n’est pas directement ciblé mais le blessé en sauvetage est malgré tout un sujet important sur l’image … j’essaie d’avoir l’autorisation de la personne mais ça n’est pas toujours possible … donc est ce que j’ai le droit de publier l’image sans lui demander ? C’est un cas ambigüe et je ne trouve pas de réponses claires Merci

Écrire un commentaire

Retour en haut